En coulisses  |  Géographies

« Comme des lettres dans des bouteilles jetées à la mer »

Écrit par Nicolas Gastineau Photos par Mohamed Mahdy
Dans les coulisses du récit Les expropriés du canal

Enfant, pour se rendre dans le centre-ville d’Alexandrie depuis sa banlieue, Mohamed Mahdy devait traverser El-Max. Il a appris à connaître ce petit quartier de pêcheurs organisé autour du fin canal de Mahmoudiya, situé au seuil occidental de la deuxième ville la plus peuplée d’Égypte. Séduit par « le charme des couleurs », entre maisons rouges et bateaux turquoise, le photographe en herbe y revenait souvent pour apprendre à utiliser son appareil photo. 

Récit photo  |  Septembre 2024 | Géographies
Septembre 2024
Les expropriés du canal
Plongée dans la correspondance des habitants d’El-Max à leur quartier en partie détruit sur demande de l’État égyptien en 2020.

En 2016, il a vingt ans lorsqu’il entend parler de la destruction annoncée de l’essentiel des maisons historiques d’El-Max. Il décide alors de photographier tout ce qu’il peut : les gens, les maisons, leurs histoires, « afin de documenter ce qui s’apprêtait à disparaître ». Qu’est-ce que cela faisait à ces visages familiers, s’est demandé le photographe alexandrin quatre années durant, d’attendre que des bulldozers viennent rouler sur leurs souvenirs, leur foyer et leur identité de pêcheurs ? 

Donner la parole aux habitants

Progressivement, son projet a été de donner la parole aux habitants en leur demandant d’écrire une lettre d’adieu à El-Max, « à la façon, relate Mohamed Mahdy, des mythiques bouteilles à la mer que jetaient les marins dans l’espoir que quelqu’un les retrouve. »

La bouteille a pris la forme d’un site internet interactif où les prises de vue du photographe se mêlent à des archives et des lectures à haute voix des lettres des habitants. C’est la complainte d’une femme d’El-Max relogée par l’État dans un appartement impersonnel, « Here, doors don’t know me » (« Ici, les portes ne me reconnaissent pas »), qui lui a inspiré le titre de son récit. Cette narration multimédia a reçu le prix Open Format du célèbre World Press Photo 2023 et a suscité, en retour, un élan de compassion internationale. « Nous avons reçu des milliers de lettres de personnes, à travers le monde, s’émeut le photographe, ce qui prouve qu’au fond, le drame des habitants d’El-Max nous renvoie tous au même besoin, à la fois simple et universel : avoir un foyer. »

À écouter

Martin Dumas Primbault, auteur de l’article « Pour tout l’or du canal » s’est rendu à El-Max dans le cadre d’un reportage pour le podcast Un jour dans le monde sur France Inter.

Explorer le thème
Route
Août 2024
La voie verte d’Atlanta sous l’œil des caméras
À Atlanta, une voie verte et piétonne fait face à l’obsession des Américains pour la sécurité.
Sur la route  |  Août 2024 | Géographies
Mai 2024
La forêt de Sologne en voie de privatisation
En Sologne, la forêt est à 90 % privée, et les chemins communaux qui les traversent le deviennent aussi petit à petit.
Sur la route  |  Mai 2024 | Géographies
Février 2024
Pourquoi le Niger a-t-il déserté sa Transsaharienne ?
Le tronçon de route Agadez-Arlit aurait dû être la voie de tous les espoirs. Il incarne le déclin des rêves industriels post-coloniaux.
Sur la route  |  Février 2024 | Géographies
Février 2024
Polt, la ligne de train qui rend fous les usagers
La ligne POLT, qui relie Paris à Toulouse en sept heures, est un emblème des maux de la SNCF.
Sur la route  |  Février 2024 | Géographies
Novembre 2023
À qui profitent les chemins de Saint-Jacques ?
Le GR65, principal chemin de Compostelle, voit fleurir les variantes sauvages.
Sur la route  |  Novembre 2023 | Géographies