J’ai réalisé ce reportage pour le New Yorker en 2020, au mois de février, quand la concentration en papillons est la plus forte dans la réserve. Pour atteindre cette région du Michoacán, il faut rouler trois heures en voiture depuis Mexico. Le premier jour, j’ai eu le mal des montagnes et de la tourista ! Je voyage beaucoup, ça fait partie du rituel. Le temps était magnifique, sec, ensoleillé – des conditions parfaites pour la photo. Mon plus grand souvenir a été notre arrivée dans la réserve, à El Rosario. Mes deux guides m’ont emmené au-delà d’une barrière, là où les touristes ne peuvent pas aller.
Il y avait des millions de papillons sur le sol. Les guides gardaient le silence et marchaient sur la pointe des pieds, je les ai imités. Ils ont pointé du doigt quelque chose à regarder en hauteur. Nous étions entourés par les pins oyamels. C’était juste avant l’aube, il y avait très peu de lumière, on avait du mal à distinguer quoi que ce soit. Ce n’est qu’en prenant mon appareil que j’ai commencé à voir les grappes de papillons – des dizaines et des dizaines, c’était incroyable ! Durant ce reportage d’une semaine, je me suis senti parfois exclu de certaines conversations, où il était question de la mort d’Homero Gómez González, le directeur du sanctuaire, et d’un guide qui travaillait avec lui. Le corps d’Homero avait été retrouvé fin janvier, et nous étions début février… Le sujet était sensible, et je ne parle pas espagnol – il a été très difficile d’aborder cette question.