Enquêter sur l’esport, quelle drôle d’idée. Par une moue affichée ou une indifférence totale, nos interlocuteurs nous ont d’abord fait douter de notre démarche. Mais les premières recherches de notre binôme désaccordé, constitué d’un fan de la discipline de 28 ans et d’un ignare de 34 ans n’en ayant jamais entendu parler, nous ont convaincus qu’il y avait un intérêt à questionner le secteur.
Comment, en effet, ne pas s’interroger sur une pratique qui déchaîne les passions des plus jeunes, dans l’indifférence la plus totale du grand public ? Un Français sur dix en est mordu mais en toute discrétion, c’est-à-dire sur la plateforme Twitch, qui fonctionne comme une réalité parallèle, loin des radars habituels. Cette situation n’est pas sans conséquences sur le traitement journalistique du sujet. D’un côté, les médias et journalistes spécialisés traitent l’actualité de l’esport sans recul critique ; de l’autre, les médias établis esquivent ce phénomène social non identifié.
Au fil des entretiens et des récits d’initiés, le choix de se pencher sur France Esports s’est imposé. Cette association portée aux nues par l’Élysée en période électorale ne parvient pas à défendre les intérêts des amateurs. Maintenant l'ambiguïté sur son statut, entre lobby, embryon de fédération et business club, la structure est subventionnée par l’État et des collectivités sans que sa raison d’être soit claire. À elle seule, elle incarne les contradictions d’un secteur qui ne questionne plus le pouvoir de ses propriétaires : les éditeurs de jeux.