Tout commence par un constat commun… et quelques coups de fil entre nous. D’un côté, Fabien, en Grèce, suit des procès de migrants accusés d’être des passeurs et se demande si ce qui se passe est un cas isolé. De l’autre, Taina enquête en Italie et en Espagne. En discutant ensemble, nous pressentons une pratique systématique : sur les bateaux qui traversent la Méditerranée ou l’Atlantique, des migrants qui ont supposément piloté l’embarcation sont arrêtés et condamnés comme « passeurs » à l’issue de procès souvent expéditifs.
Nous décidons alors de candidater pour la bourse de Journalismfund Europe, qui nous permettra ensuite de mener nos recherches dans cinq pays. Nous avons rencontré des personnes accusées ou condamnées, nous avons suivi plusieurs procès. Nous avons aussi interrogé des représentants de l’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes (Frontex), des associations, des avocats, des procureurs et des juges. Personne n’est dupe : souvent, les « capitaines » sont des passagers comme les autres.
Cette enquête nous a permis d’anticiper certains événements. Par exemple, quand en juin 2023 survient le terrible naufrage de Pylos où des centaines de personnes ont péri, nous savons que certains passagers seront « sélectionnés » pour devenir coupables. Mais nous avons aussi conscience du rôle que les avocats et les médias ont à jouer pour montrer la réalité de ce qui s’est passé.
