« C’est un projet qui m’est tombé dessus. » En 2015, Pablo Castilla traverse le nord de la province de Grenade. Il s’arrête pour prendre un café et découvre autour de lui d’immenses montagnes pelées. « Toute ma famille est de Grenade. J’y suis né, j’y ai fait les Beaux-arts. Mais, jamais, je n’avais entendu parler de l’Altiplano. C’est une zone très peu connue des Andalous eux-mêmes. J’ai eu envie de découvrir cet espace où il semblait ne pas y avoir âme qui vive. »
Le photographe revient explorer la région avec son appareil, « timidement », dans un premier temps : « J’ai commencé par un week-end, puis un autre, dans ma camionnette. Et puis on a commencé à me prêter des maisons troglodytes. Les gens sont très ouverts, généreux, et les touristes peu nombreux. Je travaille au moyen format, avec un photomètre et un trépied. Se trimballer ce genre de matériel, encombrant et qui demande un certain temps d’installation, génère du dialogue. Finalement, j’y ai passé des mois. » Le projet « Altiplano » était né.
Près d’une décennie plus tard, l’Andalou continue de s’y rendre fréquemment et de découvrir des recoins et des histoires de la région. « Ce territoire donne l’impression de vivre à la fois dans le néolithique, au XIXe, au XXe et au XXIe siècles. Toujours très rural, il laisse entrevoir des modes de vie traditionnels, des croyances anciennes. Comme si on pouvait encore écouter l’écho d’une époque qui n’existe plus que dans notre imagination. »
« Des images énigmes »
Pour le photographe, c’est « le genre d’endroit où la réalité dépasse la fiction. Où en agrandissant une salle de bain, on tombe sur une défense de mammouth. » Dans un va-et-vient permanent entre la surface et le monde souterrain, les grottes et les dolmens « servent de porte d’entrée visuelle à ce voyage dans le temps, parfois obscur et mystérieux ».
« Avec la photographie, j’essaye de donner à voir ce passé : la mer bleue, un troupeau de bovidés, le trot d’un groupe de chevaux sauvages, des hominidés découpant la carcasse d’un mammouth. Ce monde, qui existait il y a deux millions d’années, est encore là sous forme de fossiles. Je conçois mes images comme des énigmes, des questions ouvertes. Je veux qu’elles restent un peu mystérieuses, que la personne qui les regarde les complète, les interprète. Ma démarche a une vocation poétique. »
Alors qu’un livre retraçant le projet est en route, Pablo Castilla a décidé de s’installer un temps dans le nord de la Norvège, « à proximité du cercle arctique ». Il va y travailler sur des archives photographiques. « Une autre façon d’explorer le passé, de creuser, de chercher ce qui est enfoui », s’amuse-t-il.