Revue XXI n°17

Histoires de justes

La justice ne se cantonne pas aux prétoires. Elle se joue aussi dans l’intimité de chacun, au fil d’itinéraires parfois bouleversés.
Hiver 2012
Histoires de justes

Au lendemain du procès à Jérusalem du dignitaire nazi Adolf Eichmann, les autorités israéliennes décident de promouvoir activement la notion de « Justes ». Une commission, présidée par un juge de la Cour suprême, est chargée d’attribuer, à partir de 1963, le titre de « Juste parmi les nations ». Il s’agit d’honorer toute personne ayant porté secours à des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, quand la communauté faisait face à la « solution finale ».

La décision prise par Israël répond alors à une double volonté : perpétuer la mémoire de l’extermination, mais aussi dépasser le choc. Suivi par deux fois plus de journalistes que le procès de Nuremberg, répercuté dans le monde entier, le procès d’Adolf Eichmann a agi comme le révélateur d’un trauma refoulé pendant vingt ans. Oui, des hommes ont été capables de la plus totale inhumanité.

Cette tardive prise de conscience est bouleversante, au sens propre du terme. Confrontées à la figure du Mal absolu, les grandes consciences du XXᵉ siècle se doivent de chercher une issue, une échappatoire. La figure des « Justes » en est une. Dans l’horreur, ils incarnent l’humanité généreuse, ils dessinent l’irréductible espoir en l’homme, ils sont un contrepoids à la fascination exercée par le Mal.

Les justes que nous évoquons dans ce numéro ne sont pas ceux d’Israël. Ils n’ont pas été confrontés au « crime des crimes », ils n’auront jamais leurs noms gravés sur un mémorial, ils ne peuvent être considérés comme des héros et n’y aspirent pas. Ce sont des gens ordinaires qui ont vécu, dans leur intimité, des passions et des drames. Ils ont des proches, des tracas quotidiens, des instants de bonheur, des fatigues. Ils ont été confrontés à la justice. Leur vie en a été transformée.

Ils soupèsent la portée des actes qui ont surgi dans leur existence. Ils ont appris que la justice « ne saurait considérer l’homme que dans l’abstrait », comme le notait Julien Benda dans La Trahison des clercs. Ils savent que les tribunaux appliquent la loi, en l’interprétant et en la nuançant, mais qu’ils ne peuvent qu’approcher au plus près de l’humanité.

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