Revue XXI n°31

La France au village

Dans un monde devenu village, il n’y a plus la ville et les champs, mais un va-et-vient permanent.
Été 2015
La France au village

Les frontières entre ruralité et urbanité s’estompent. La ville est dans les campagnes, les campagnes sont dans la ville. On travaille en ville et on vit à la campagne. On travaille à la campagne et on fait ses courses en ville. Ou plutôt dans ces zones de « shopping centers » qui, ni villes ni campagnes, s’étendent autour des agglomérations au détriment de leurs centres. À l’enclavement succède l’échange, permanent et multiple.
Des villages longtemps menacés de décrépitude par la chute d’un quart en dix ans du nombre d’exploitations agricoles parviennent ainsi à se maintenir en vie. Situés à côté d’une agglomération, ils deviennent des lieux d’habitation pour les urbains avides de jardins. Plus éloignés, ils se transforment en havres de résidences secondaires. La France compte trois millions de logements utilisés pour les week-ends, les loisirs ou les vacances, douze fois plus qu’en Allemagne. Un record mondial.
Déserté presque toute l’année, le village de Rochefourchat dans la Drôme est un cas unique. Cette plus petite commune de France, avec un habitant officiellement recensé, est dotée d’un conseil municipal de sept membres. Son maire est un avocat parisien, deux conseillers sont belges. Autre cas de figure : l’île d’Oléron, vingt-deux mille habitants à l’année... et 60 % de résidences secondaires.
La France des clochers a vécu, tout nous le dit. Sauf la carte administrative du territoire, quasi inchangée depuis des lustres. Il y avait 38 500 communes en 1959. Près de soixante ans plus tard, après l’industrialisation, la révolution de l’agriculture, l’urbanisation et l’apparition d’Internet, le pays en compte presque toujours autant : 36 681 communes, dont 19 996 de moins de cinq cents habitants.
Dans un monde devenu village, la France concentre à elle seule 40 % des communes de l’Union européenne. Cette profusion pèse sur les campagnes. Elle maintient la fiction d’un pays qui resterait enfermé dans ses bastilles, qui n’aurait pas su ou voulu évoluer. Ce qui est inexact. Sociologiquement, culturellement et économiquement, les campagnes ont changé : elles se sont ouvertes.

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