Attirés par la promesse d’une amnistie, d’anciens membres de Boko Haram, mouvement terroriste qui sévit depuis plus de quinze ans au Sahel, ont intégré le programme de déradicalisation lancé par les autorités du Niger. La photographe Bénédicte Kurzen a pénétré dans le camp où, de 2017 à 2022, des combattants de la secte sanguinaire ont tenté de se reconstruire.
Attirés par la promesse d’une amnistie, d’anciens membres de Boko Haram, mouvement terroriste qui sévit depuis plus de quinze ans au Sahel, ont intégré le programme de déradicalisation lancé par les autorités du Niger. La photographe Bénédicte Kurzen a pénétré dans le camp où, de 2017 à 2022, des combattants de la secte sanguinaire ont tenté de se reconstruire.
Pour parvenir au centre, qui surgit parmi les dunes du Sahel, il faut suivre une longue piste dans laquelle les véhicules s’ensablent. « C’était un endroit étrange, reculé. Il y faisait une chaleur insoutenable, se souvient Bénédicte Kurzen. Le mirador, les barbelés étaient-ils là pour protéger les repentis de Boko Haram ou pour les empêcher de s’enfuir ? » Les habitants de Goudoumaria ont fait part de leurs inquiétudes à la photographe : quelles exactions ces hommes avaient-ils commises ? Leur présence allait-elle provoquer des expéditions punitives de Boko Haram ?
Bâtiments en dur, lits et matelas, réserves d’eau, générateur : les ex-membres de Boko Haram sont plutôt bien lotis. Le programme prévoit des actions de déradicalisation et une formation professionnelle ouvrant la voie à leur réinsertion sociale. Officiellement, ces hommes ne sont pas en détention. « Mais le camp était un trou. Ils n’avaient aucune liberté de mouvement. Ils demandaient souvent : “Quand est-ce qu’on sort ?” Ils ne savaient rien de leur avenir, leur statut légal n’était pas clair. Ils étaient désœuvrés, s’ennuyaient », relate la photographe.
Avant de rejoindre Boko Haram, Mohamed « Lako » Kindin vendait des clés USB de musique arabe et d’afropop de Lagos sur les marchés. Il raconte qu’un jour l’armée l’a arrêté à cause de la présence sur son visage de scarifications, propres à son ethnie, les Kanouris. « Ça m’a frustré. Du coup, je me suis enrôlé. J’ai combattu, et beaucoup tué. Je ne manquais de rien. » L’ethnie kanouri est majoritaire dans les rangs de Boko Haram.
Le jeune fils de « Lako » se protège du soleil dans une des tentes du camp dédiées aux familles. Le parcours de son père a été fortement marqué par la secte : il a été marié par Boko Haram, et a conçu ses enfants alors qu’il combattait. « J’ai senti un homme encore sous influence, enrôlé à de multiples égards. Il se pensait redevable envers la secte et ses membres. Boko Haram était à l’origine d’événements très marquants de sa vie. Son témoignage m’a fait froid dans le dos », rapporte Bénédicte Kurzen.
Modou Kou, 27 ans, fait partie d’une ethnie originaire du lac Tchad, les Boudoumas, largement délaissés par les pays de la région. Il n’est jamais allé à l’école, mais il gagnait convenablement sa vie en vendant des chèvres. Comme d’autres Boudoumas, Modou a fini par pactiser avec les islamistes : « La zone du lac nous appartient. Sans nous, ils ne peuvent pas y vivre. » Et précise : « Je pensais que Boko Haram était le chemin le plus court pour aller au paradis. »
Boko Haram a mis la main sur des villages entiers, leurs hommes, leurs femmes et leurs enfants. « Les femmes du camp étaient devenues des êtres de l’intérieur, qui ne parlent plus. Elles avaient vécu des choses terribles : dans certaines zones, les hommes disposaient d’elles et de leur corps comme ils l’entendaient. Beaucoup d’hommes s’étaient ralliés à Boko Haram parce qu’on leur avait promis la dot et le mariage. »