« Signal et symbole du nouveau quartier », « point de rencontres idéal rythmant [sa] vie »… les prospectus de la Cogedim cherchant à attirer les futurs commerçants n’y vont pas de main morte lorsqu’ils présentent Le Défenseur du Temps, l’horloge monumentale de ce quartier flambant neuf de la rive droite parisienne. Nous sommes en 1979, l’heure est à la modernité : finis les « îlots insalubres », la ville doit afficher un nouveau visage. « Dans une époque marquée par l’accélération de l’histoire, Paris se transforme, presque à notre insu. Ses centres vitaux se déplacent. Il faut donc plus que jamais savoir être au bon endroit au bon moment », peut-on lire encore sous la plume du promoteur.
Le « bon endroit », c’est cette zone à équidistance du Marais et des Halles, de la place du Châtelet et du quartier des Arts-et-Métiers. Deux ans plus tôt, à quelques mètres de là, a été inauguré le centre Georges-Pompidou, symbole d’audace architecturale et de renouveau culturel. Le chantier du quartier de l’Horloge, lui, c’est « 745 appartements, 150 magasins, un parking public », répondant au rêve bourgeois d’un habitat qui allie modernité urbaine et tranquillité. Entièrement sous gestion privée, cette nouvelle zone sortie de terre, traversée par des rues piétonnes ouvertes au public, ambitionne de devenir le pendant commerçant de la toute fraîche et voisine « piazza Beaubourg ». Installée en hauteur sur une façade, sous l’arche de la jeune rue Bernard-de-Clairvaux, la rutilante horloge commandée à Jacques Monestier doit incarner cette nouvelle pulsation créée de toutes pièces.
L’oiseau, le crabe et le dragon
Le tableau est peu banal. Sur un rocher de tôles bleutées, un pantin armé d’un glaive lutte avec trois animaux, symbolisant les éléments – un oiseau (l’air), un crabe (l’eau) et un dragon (la terre et le feu). Les personnages de laiton dorés s’affrontent à la faveur d’une chorégraphie métronomique : à chaque heure, l’un des animaux s’anime, agressif, en direction du petit homme de métal, qui en réponse tourne la tête, agite son torse et dirige son glaive. Conçue comme un spectacle, l’horloge à automates a patiemment rythmé le temps jusqu’à sa mise en arrêt, en 2003, faute de financement pour sa maintenance.
Progressivement, la dorure a disparu sous les fientes de pigeon. La modernité a cédé la place à une certaine désuétude, dans un quartier où les rares passants ne font que circuler, et où la vie commerciale ne remplit pas ses promesses, entre boutiques de photocopie d’un autre temps et l’envahissant Leroy Merlin. Devenu symbole d’un abandon, Le Défenseur du Temps aurait dû rendre définitivement les armes. C’était sans compter sur son ange gardien, un certain Cyprien. Et un certain alignement des planètes.
L’artiste et son pari fou
Tout est parti d’une idée un peu folle, qui a germé dans la tête de Cyprien Gaillard. Absent des réseaux sociaux, rare dans les médias, cet artiste à la réputation internationale installé à Berlin n’est pas du genre à répondre facilement à un e-mail. Il aura fallu toute l’énergie du hasard pour le rencontrer, en chair et en os, au détour d’un étal de la librairie du Palais de Tokyo – là où il présentait le second volet de son travail à Paris fin 2022. Une exposition intitulée Humpty \ Dumpty, du nom du personnage d’une comptine anglaise, qui constate, une fois tombé et cassé en morceaux, qu’il ne sera plus jamais le même. L’artiste n’essaie pas de remonter le temps, mais questionne ses effets et le « devenir » de toute chose. Il s’interroge aussi sur l’acte de restaurer et sur « l’irrestaurable », comme il le dit lui-même. Insuffler une nouvelle vie dans l’œuvre d’un autre, la sortir de son contexte et de sa fonction première, voilà ce qui l’a animé dans cette histoire, glisse-t-il le temps d’une pause clope, parka au vent, entre deux passages éclair à Paris.
Il y a quatre ans, il s’est mis en tête de faire de la capitale française la matière première de sa prochaine exposition, sur invitation de Lafayette Anticipations, la fondation des Galeries Lafayette dédiée à l’art contemporain. Regrettant la disparition du « monde tangible » au profit de l’espace virtuel, l’artiste né en 1980 a élu depuis longtemps les villes pour terrain de jeu. Paris, objet d’un ambitieux programme de restauration en vue des Jeux olympiques de 2024, devenait idéal à ses yeux. À arpenter ses chantiers monumentaux, le « it boy » de l’art contemporain, comme l’a qualifié Le Monde, s’est finalement intéressé aux angles morts de cette politique de rénovation, aux lieux qui y échappent. Et parmi eux, le quartier de l’Horloge, ses façades en béton pâle et sa flopée de lampadaires « lanternes », qui a toujours exercé sur le Parisien d’origine une certaine fascination : « Beaucoup le voient comme un fiasco architectural, or pour moi il s’apparente à une zone liminale, interstitielle, avec son ambiance étrange de science-fiction. »
Remettre en marche Le Défenseur du Temps, il y avait pensé depuis longtemps déjà, mais cette envie a soudain pris tout son sens. « À l’image du quartier, l’œuvre est un outsider, elle est à sa manière d’une grande excentricité dans un paysage de plus en plus homogène, s’emballe-t-il en passant la main dans ses cheveux longs. La ville n’est plus l’expression du désordre qui en fait un lieu excitant. Le Défenseur se bat contre cette forme d’aplatissement général. » Réussir ce pari fou supposait d’entraîner avec lui l’association syndicale du quartier, propriétaire de l’horloge, mais aussi et surtout son concepteur, encore vivant.
Le créateur face aux pigeons
Sous la broussaille de longs sourcils encore foncés, dressés comme des visières au-dessus des lunettes, le regard perçant de Jacques Monestier reste celui d’un inventeur qui ne s’est jamais donné de limites. Dans l’espace central de Lafayette Anticipations, situé en plein Marais, son automate à moitié démonté est encore arrimé en hauteur à un énorme câble : l’œuvre a été exposée dans cet écrin éphémère pendant trois mois, après avoir été restaurée. Il lui reste une dizaine de jours pour être désinstallée, complétée de certains équipements et remontée définitivement rue Bernard-de-Clairvaux, son lieu d’origine. Venu pour deux journées depuis la Bourgogne, Jacques Monestier est là en appui pour donner un coup de main, ses conseils si nécessaire.
Au milieu des outils éparpillés et des escabeaux dépliés, l’homme de 83 ans, chevalière au doigt, s’affaire, concentré, à l’installation d’un système électro-répulsif sur le couvercle de la sphère dorée qui sert de cadran. De loin, on dirait qu’il façonne une couronne. Les mains tremblent légèrement, mais le geste est sûr. Armé d’un banal tournevis, le dos bien droit dans son gilet kaki, il resserre les dominos électriques qui feront passer 2 000 volts sur des petites baguettes en fer disposées en étoile. Et gare à son ennemi numéro un : le pigeon. Dès que le créateur évoque l’existence des volatiles citadins, il s’emporte et fulmine, tonitruant. Si son Défenseur du Temps a failli finir au rebut, c’est d’abord par leur faute. Malgré une première restauration en 1995, les pigeons ont fait de l’horloge leur repaire au fil des ans, jusqu’à fragiliser la partie basse de sa structure en acier.
Cette restauration, il ne comptait plus dessus. Dans le PC sécurité du quartier de l’Horloge, le réduit abritant habituellement le système de pilotage de l’automate témoigne de la maintenance que son créateur a patiemment assurée pendant vingt-cinq ans, mois après mois. À même les murs, une constellation de notes griffonnées au stylo-bille : « 1/7/86 changement à mon initiative des deux ralenties et des deux électrovannes de la jambe gauche du personnage. » Plus loin : « 27/1/1988 entretien normal / changement fil tête oiseau », etc. « Une belle servitude », comme il le dit joliment, à laquelle il a lui-même mis fin en 2003. « Depuis quelques années, plus personne ne voulait payer pour sa maintenance, je ne pouvais plus l’assurer. »
J’ai d’abord cru à une plaisanterie ! Ce projet de restauration est un signe de la Providence.
Jacques Monestier, créateur de l’horloge « Le Défenseur du Temps »
Mais, en Pygmalion, l’artiste est particulièrement attaché à son automate monumental, le premier d’une longue série tout aussi sophistiquée et originale. « Il m’a fallu quatre ans pour le fabriquer. J’y ai mis toutes mes tripes. Ce personnage qui se bat contre les éléments, c’est un peu moi. » Toutes les pièces en laiton du Défenseur du Temps sont passées par sa machine à marteler, dit-il, sortie tout droit de sa folle imagination : un moteur de frigo, une chaîne de vélo, deux petits marteaux et une pédale, pour 700 coups par minute. À l’époque, s’il s’est fait aider pour la fabrication des pièces, il a tout dessiné et monté seul dans son ancien atelier de Valmondois dans le Val-d’Oise, de la maquette au 1/10e à l’original. En témoignent les nombreuses photos d’archives qu’il a mises en ligne sur son site, où on le voit à l’œuvre, inspiré, vêtu d’une longue blouse blanche aux airs de chasuble. Une entreprise audacieuse qui l’a occupé plusieurs années et ne lui a rien rapporté, à part une certaine célébrité éphémère.
Quand Cyprien Gaillard prend contact avec lui en 2020, Jacques Monestier y voit « un signe de la Providence ». Qu’un artiste contemporain, très en vue qui plus est, souhaite intégrer Le Défenseur du Temps dans un de ses projets relevait du miracle pour ce croyant fier de sa foi. « J’étais sur le point de la ferrailler, j’ai cru à une plaisanterie ! » C’est l’occasion rêvée pour l’automate de prendre sa revanche sur ceux qui l’avaient déjà réduit à un symbole du « kitsch », figé dans une époque révolue.
Très vite, Jacques s’entend avec Cyprien. « Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde artistique, mais le côté humain de son projet m’a touché. Un de ses amis chers était mort dans un accident, et comme lui, il aimait le Défenseur. Cyprien souhaitait lui rendre hommage en le restaurant. » Impossible cependant pour Jacques de se lancer lui-même dans cette rénovation. « Je suis trop âgé, personne ne veut plus m’assurer ! » Quelques mois plus tôt, l’octogénaire avait justement pris contact avec l’entreprise Prêtre et Fils conseillée par un ami, pour un devis. Il aura suffi de mettre en cheville Cyprien avec Nicolas Prêtre, pour que ce projet devienne réalité.
L’horloger et les vérins pneumatiques
« On avait déjà de quoi s’occuper, on n’allait pas se battre pour ce chantier ! Je me disais que, si je le faisais, je n’accepterais pas tout. Dans le milieu artistique, on peut vite s’éparpiller ! » Le patron de Prêtre et Fils n’en est pas à son premier plan galère avec le monde de l’art. Par exemple, en 2019, il y a eu l’horloge du Hellfest, festival de hard rock nantais, avec son balancier enflammé… Voix de stentor et chevelure poivre et sel, l’ingénieur, qui a repris il y a dix ans l’entreprise familiale spécialisée dans l’horlogerie monumentale et l’art des clochers depuis sept générations en Franche-Comté, cache un sang-froid à toute épreuve. Un peu le goût du défi, aussi. « Seule la boule du Défenseur relève de l’horlogerie. Le reste fonctionne grâce à un système pneumatique. Je n’y connaissais rien. On s’est lancés ! » C’était parti pour huit mois d’une course contre la montre en plusieurs temps : démonter l’horloge à Paris, la restaurer, la remonter dans l’atelier de Mamirolle pour tester les réparations, la redémonter pour la rapporter à Paris, l’installer à la fondation Lafayette Anticipations, la programmer pour l’exposition de Cyprien Gaillard selon les désirs de l’artiste, la démonter une dernière fois pour la réinstaller définitivement sur son mur d’origine, rue Bernard-de-Clairvaux.
Le discret Nicolas en a vu d’autres, des cadrans d’église haut perchés aux refontes de cloches du XVIIIe siècle, mais un chantier comme celui-ci est unique, et forcément jalonné de surprises, « rarement bonnes ». Le volume de fientes de pigeon découvert dans les moindres interstices – 300 kilos ! – a été la première. « C’est lourd de démonter dans ces conditions », avoue-t-il en choisissant ses mots. Une fois en Franche-Comté, tôles et pièces ont été passées au karcher, examinées puis retapées, polies par aéro-gommage et envoyées dans une autre entreprise pour la patine bleue. Sans oublier la vérification électrique, et la remise en état du système pneumatique, qui n’a pas été sans péripéties : « Les vérins des tubes pneumatiques qui donnent leur mouvement aux différents automates ne sont plus fabriqués qu’aux États-Unis. On a dû s’en faire livrer, mais avec quatre mois de délai ! On s’est adaptés. »
Si je viens à l’inauguration, ma femme demande le divorce.
Nicolas Prêtre, horloger, restaurateur du « Défenseur du Temps »
Pour honorer le planning, Nicolas a bataillé pour que les artistes – l’ancien et le nouveau – accordent rapidement leurs violons. Gaillard tenait à conserver l’horloge-monument dans son état dégradé – fruit du passage du temps –, la refaire fonctionner sans la faire briller. Monestier plaidait pour une remise en lumière de son œuvre dans toute sa majesté d’origine. « Nous, il fallait qu’on avance, qu’on tienne le rythme. On a dû négocier pour que seul le personnage soit exposé couvert de fientes. » Enfin, il a fallu composer avec l’absence de parkings à Paris, les sens interdits qui rallongent les trajets, l’impossibilité de stocker les pièces dans le quartier de l’Horloge. Divine surprise parmi toutes ces contrariétés, le pilotage électrique de l’automate, un système à cames comme celui d’une boîte à musique, fonctionnait toujours. « Bien qu’il repose sur une technologie simple, sans ordinateur, l’automatisme est très perfectionné », témoigne Silvère Bardin, chef de projet de la restauration, qui n’en revient toujours pas de l’ingéniosité, découverte sous le capot.
Nicolas s’est accordé des congés pour venir voir l’exposition de Cyprien pendant les fêtes, curieux du résultat artistique, comme les 50 000 visiteurs qu’elle a attirés. Mais au moment du remontage, il résume l’investissement qu’a nécessité ce chantier : « Si je viens à l’inauguration, ma femme demande le divorce. » Ce matin-là, rue Bernard-de-Clairvaux, l’équipe est au complet, mais la fatigue est palpable, même si « tout se passe bien ». En haut du lift, Damien Corne, combi et bonnet noirs, se contorsionne pour installer les filets anti-pigeons dans le ventre du dragon. Une gageure dans le froid de janvier. Ensuite il s’attèlera à raccrocher l’immense patte dorée de la bête, désormais remplie de mousse de polystyrène pour empêcher les oiseaux de nicher. Comme ses collègues, le métallier-serrurier s’enorgueillit de « maîtriser l’horloge » et ses soixante étapes de remontage, opération qui, au fil de la semaine, attire son lot de curieux…
Une voisine devenue vigie amoureuse
Quand, en 2003, ses aiguilles se sont arrêtées, Ulla Claude en a pleuré. « Mon rimmel a coulé ! », confie-t-elle, le « r » roulé comme une déferlante de la Baltique. « Ce n’est pas l’objet le plus beau du monde, il est bizarre, curieux, étrange, il fait même peur à certains. Mais il est unique ! » C’est que l’automate fait presque « partie de [son] identité ». En 1983, lorsqu’elle a acheté un appartement avec son mari rue Saint-Martin, la sculpture qui donne l’heure était déjà le clou du quartier. « Avec l’arrivée des enfants, on a ensuite déménagé pour un appartement familial, juste en face. On descendait régulièrement voir le spectacle. »
Depuis le début de la semaine, Ulla a le sourire accroché à ses joues poudrées. Elle est aux anges. Repérable à plusieurs mètres à la ronde à sa doudoune argent et sa blondeur impeccable, la retraitée aux yeux bleu limpide passe ses journées à faire des allers-retours entre son appartement propret et la rue, pour scruter et mitrailler la scène au smartphone. Après presque un an d’absence, l’œuvre de Jacques Monestier est enfin de retour – et bientôt « vivante » ! Personnalité incontournable du lieu, Ulla, entre deux conversations avec voisins ou passants, ne se lasse pas de voir les ouvriers assembler patiemment, à sept mètres de hauteur, les pièces du puzzle métallique. « Regardez comme le dragon respire ! »
Dans le calme de son appartement avec vue sur cour, l’infatigable admiratrice pose sur la table une montagne de classeurs, qu’elle ouvre un à un, méthodiquement. Maires de l’arrondissement, maires de Paris, ministres de la Culture, fondations d’entreprises, institutions culturelles… la liste des destinataires des lettres qu’elle a envoyées depuis vingt ans au nom de son association l’Assactive est interminable. Derrière elle, le bois lisse d’une étagère sans poussière expose au regard quelques objets africains. Paris et le quartier de l’Horloge, c’était leur « pied-à-terre », quand ils rentraient en France entre deux missions d’expatriés.
« On était fiers, heureux d’être là », raconte Philippe, son mari, qui entre dans la pièce avec un plateau et deux tasses. Dans les années 1990, ils ont très mal vécu les nuisances liées à l’ouverture d’un supermarché ouvert 24 h/24 puis du Saxo Bar, un « after » connu des fêtards parisiens. Les choses se sont arrangées au début des années 2000, mais l’horloge a été mise en coma artificiel peu après.
Ulla a alors fait de sa restauration, et plus largement de l’embellissement des rues alentour, son cheval de bataille : « Il fallait prendre soin de ce patrimoine, c’était le symbole du quartier. » Pétitions, livre d’or au bistrot d’en face… cette infirmière de formation a tout tenté pour rallier du monde à sa cause. Jusqu’à s’entendre avec le directeur du Leroy Merlin voisin pour placer un téléviseur dans la vitrine qui jouxte l’horloge. On pouvait y voir, en boucle, un petit film montrant Le Défenseur du Temps en action… Et puis, en 2021, l’annonce de cette restauration est tombée. Sans qu’Ulla Claude y soit vraiment pour quelque chose.
L’horloge n’a jamais été aussi belle que maintenant. La patine du temps, ça fait son charme.
Ulla Claude, habitante du quartier de l’Horloge, militante associative
En ce matin frais d’un lundi de février, quelques dizaines de personnes sont regroupées au pied du Défenseur pour assister à sa remise en marche officielle. Tous les amis de l’horloge sont là ou presque pour cette nouvelle inauguration : Jacques Monestier, bien sûr, Cyprien Gaillard, le directeur de la fondation Lafayette Anticipations et… Ulla. « Il n’a jamais été aussi beau que maintenant. Les couleurs, la dorure… Ils ont trouvé le bon teint, naturel, susurre-t-elle, attendrie. On sent la patine du temps, ça fait son charme. » Pour Prêtre et Fils, c’est Silvère qui a fait le déplacement. Le regard rivé à l’écran de son smartphone, il se tient prêt à actionner la commande à distance qui redonnera vie aux personnages de laiton.
À la tribune éphémère, Jacques Monestier prend la parole, s’interrompt plusieurs fois sous le coup de l’émotion. Encouragé par les applaudissements, il poursuit, la voix tremblante : « Cette restauration est un vrai miracle ! » Un prodige qu’il dédie à Ulla Claude, « à ses côtés pendant toutes ces années », et à tous les habitants du quartier. De quoi leur redonner un peu de leur fierté fanée. Il est presque midi, la valse du Défenseur, tant attendue, va bientôt s’enclencher.