Un cri ukrainien

Photo par Guillaume Herbaut Écrit par Haydée Sabéran
Un cri ukrainien
Publié le 20 février 2023

« Une bonne photo est une photo qui provoque du silence, la première étape pour commencer à regarder et réfléchir. »

Depuis vingt ans, Guillaume Herbaut est habité par l’Ukraine. Révolution orange ou de la place Maïdan, annexion de la Crimée, conflit dans le Donbass… le photographe a documenté le quotidien des Ukrainiens, leur quête d’indépendance jusqu’à l’invasion de leur pays par la Russie. Quand elle commence, le 24 février 2022, le photographe est en France. Deux jours plus tard, il couvre l’arrivée des réfugiés à la frontière polonaise. Psychologiquement, la situation est difficile : « Je suis complètement écrasé, je pense aux gens que j’ai photographiés, à mes amis. Au fait que la guerre va être totale. » Aller sur le terrain ou rester en France représente un tiraillement constant : « Chaque minute, je me dis qu’il faut que je couvre le conflit, que je sois là-bas, mais que ce n’est pas le bon moment. Je ne suis pas assez clair dans ma tête, trop pris par l’émotion. Quand le flot de journalistes arrive, je constate qu’il y a trop de monde, que ça ajoute de la violence sur les victimes. Tout ça pour faire la même image. Ça n’a aucun sens. »

En mai 2022, Guillaume Herbaut se rend finalement en Ukraine, il passe par Tchernobyl : « Avant, c’était un espace difficile d’accès, mais aussi un espace de découverte, de créativité et de liberté pour moi. Là, c’est devenu une zone militaire, avec des barrages. Des lieux que je fréquentais sont détruits, soupire-il. Il ne reste rien du restaurant où je dormais habituellement, l’un des meilleurs du coin. Les témoignages des Ukrainiens sont terribles. C’est pour eux une période de souffrance incroyable, de résistance. »

Dans la région de Kiev, à Andrievka, il prend cette photo de Mykola Savtchouk, l’air totalement hagard : « Entre deux paroles, il ouvre la bouche en silence. C’est fou, je remarque tout de suite cet homme. Ce qu’il a vécu est horrible. Mykola, chauffeur routier, a été enlevé en mars par des soldats russes devant un poste de contrôle alors qu’il venait de nourrir un chien. Torturé, laissé pour mort, il se réveille au milieu de cadavres, puis est emprisonné vingt jours en Russie. Libéré, probablement dans le cadre d’un échange, il découvre sa maison détruite. C’est une image dérangeante, c’est pour ça qu’elle me plaît. »

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