Course dévastatrice aux minerais d’avenir

Photos par Davide Monteleone Un récit photo de Martina Bacigalupo
7 mai 2025
Course dévastatrice aux minerais d’avenir
De l’extraction du lithium chilien à celle du nickel d’Indonésie en passant par le cobalt congolais, le photographe Davide Monteleone explore les sites dans lesquels les industries de la tech viennent puiser les ressources indispensables à la transition énergétique.
De l’extraction du lithium chilien à celle du nickel d’Indonésie en passant par le cobalt congolais, le photographe Davide Monteleone explore les sites dans lesquels les industries de la tech viennent puiser les ressources indispensables à la transition énergétique.

En 2023, Davide Monteleone part pour les immenses exploitations de lithium dans les salines du désert d’Atacama, au Chili. « L’extraction de ce métal, indispensable à la fabrication des batteries des véhicules électriques, nécessite une quantité d’eau impensable, explique le photographe et artiste visuel italien. Il faut 30 000 litres d’eau salée pour produire 10 kilogrammes de lithium. » Pour remplacer la flotte mondiale de véhicules conventionnels par des véhicules électriques, il faudrait 15 millions de tonnes de lithium. Les entreprises d’extraction ont obtenu des licences pour extraire jusqu’à 2 000 litres d’eau par seconde.

Avec son projet Critical Minerals-Geography of Energy, fait de photos en moyen format, d’images de drones et de vidéos, en collaboration avec des photographes et vidéastes locaux, Davide Monteleone scrute les enjeux de la transition énergétique : quitter les énergies fossiles pour des énergies dites « vertes », qui reposent sur des technologies dépendantes de métaux tels que le lithium, le cobalt et le nickel – selon un rapport récent de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande pour ces « minéraux critiques » a doublé en quatre ans. Grâce au soutien de la National Geographic Society, il en a exploré entre 2023 et 2024 les sites d’extraction.

Smartphones et voitures électriques

Après le Chili, Davide Monteleone se rend en République démocratique du Congo, le plus grand producteur mondial de cobalt, et témoigne des conditions de travail dans les mines artisanales du sud du pays : « La RDC a alimenté la révolution industrielle d’Europe avec l’exploitation de ses ressources – cuivre, diamants, caoutchouc et, aujourd’hui, cobalt. Mais elle reste l’un des pays les plus pauvres du monde. » Le cobalt intègre vite une chaîne d’approvisionnement complexe qui profite in fine aux multinationales occidentales et chinoises, qui s’enrichissent par le commerce des smartphones, des ordinateurs portables et des véhicules électriques.

À la poursuite de l’hydrogène vert
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À la poursuite de l’hydrogène vert
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En 2024, le photographe visite les mines de nickel en Indonésie, où la production a quintuplé en cinq ans. « L’Indonésie paie un prix très fort pour cette industrialisation rapide, constate Davide Monteleone. La déforestation de l’île de Sulawesi [aussi appelée Célèbes], autrefois un paradis naturel, entraîne des inondations et des glissements de terrain qui, avec la pollution des cours d’eau, menacent sérieusement la survie des écosystèmes et de la population locale. Il faut un engagement et des réglementations strictes pour s’assurer de la durabilité environnementale et sociale de la transition énergétique. »

mineur en bottes dans une boue jaune
Un travailleur d’Albemarle, une des deux entreprises d’extraction minière de lithium dans le salar d’Atacama, au Chili, prélève des échantillons dans un bassin en avril 2023.
mine à ciel ouvert au Chili
Chuquicamata, la mine de cuivre à ciel ouvert la plus grande du monde, visible depuis l’espace avec ses 13 kilomètres carrés et une profondeur de plus de 900 mètres, est le symbole de l’industrialisation chilienne. Mais des décennies d’exploitation minière ont gravement endommagé l’environnement de la région et la santé de ses habitants. En 2004, ceux-ci ont été déplacés à Calama, à une quinzaine de kilomètres, faisant du site une ville fantôme.
mine de lithium vue du ciel
Vue aérienne des bassins d’évaporation du lithium à Albemarle. Le minerai y est traité par un mélange d’eau – extraite, transportée et pompée à partir de puits souterrains – et de chaux, de sodium et d’autres sels. Le dernier élément restant après plus d’un an d’évaporation est un lithium concentré à 6 %, qui est ensuite envoyé à l’usine chimique pour produire du carbonate de lithium et de l’hydroxyde de lithium.
une oasis près d’une mine au Chili
Une petite oasis dans le canyon de Zapar, au Chili, en avril 2023. Autrefois fertile, cet endroit rencontre aujourd’hui de graves problèmes en raison de l’assèchement des terres provoquées par les compagnies minières. « Les mines de lithium sont en train de tarir toute l’eau de la région, explique Davide Monteleone. Opposer les besoins du présent à la durabilité de l’avenir, où on épuise l’eau qui maintient la vie pour alimenter les appareils de demain, n’est pas viable. »
mineur pieds nus dans une mine artisanale en RDC
Un mineur de la coopérative minière artisanale Comiakol à Kolwezi, en République démocratique du Congo (RDC), en août 2023. Malgré la création des coopératives qui tentent d’améliorer leurs conditions de travail, les mineurs extraient le cobalt et le cuivre souvent pieds nus, dans des galeries bien plus profondes que les 30 mètres déclarés et en l’absence de règles sanitaires appropriées.
mineurs dans une mine de cuivre et de cobalt
La mine de cuivre et de cobalt de Shabara, près de Kolwezi, est l’une des plus grandes mines artisanales de la région, qui fait travailler 20 000 personnes – souvent 10 000 en même temps. Malgré les tentatives de réglementer l’industrie minière artisanale, en interdisant le travail des enfants et en renforçant les mesures de sécurité, les conditions de travail restent proches de l’esclavage. Selon l’administration de la coopérative, les mineurs peuvent gagner jusqu’à 500 dollars par mois. En réalité, la plupart d’entre eux ne gagnent pas plus de quelques dollars par jour.
une mine artisanale en RDC
Dans la mine artisanale de Mutoshi, à Kolwezi, des dizaines de milliers de tunnels ont été creusés à la main par les mineurs. Aucun n’est équipé de puits de ventilation, de boulons d’ancrage ou autres éléments de consolidation.
zone côtière contaminée par les eaux d’une mine
La zone côtière autour de Morowali, dans la partie centrale de l’île des Célèbes (ou Sulawesi), en Indonésie, est contaminée par les eaux minières. Ce qui était autrefois une forêt dense est aujourd’hui un parc industriel qui contribue de manière significative au revenu de l’Indonésie – à hauteur de 1 milliard de dollars en 2023. Il est constitué de trois pôles, dédiés respectivement à l’acier inoxydable, à l’acier au carbone et au nickel.
une mine de nickel vue du ciel
Kolondale, ici vu du ciel, est un site important pour l’exploitation du nickel, qui contribue de manière substantielle à l’approvisionnement du parc industriel de Morowali.
une mine de nickel à ciel ouvert en Indonésie
La mine de nickel de la société PT Antam, dans le sud-est de Sulawesi, en mai 2024. L’exploitation à ciel ouvert est la méthode la plus couramment utilisée pour l’extraction du nickel, en particulier pour les grands gisements proches de la surface. Elle implique l’utilisation d’engins lourds tels que des excavateurs, des camions de transport et des foreuses. De grandes surfaces d’arbres sont abattues pour extraire le minerai. Leurs racines ne stabilisant plus le sol, la terre est plus facilement emportée par la pluie.
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