Regard caméra

Photo par Amin Yousefi Écrit par Sonia Reveyaz
Regard caméra
Publié le 06 juin 2024

Il aura suffi d’une seconde, un regard, un coup d’œil vers la caméra pour que leurs visages soient immortalisés. C’est en 2019, à Téhéran, que le photographe iranien Amin Yousefi commence à s’intéresser aux archives photographiques de la foule pendant la révolution iranienne de 1979, qui a mis fin au règne du shah et fait émerger la République islamique. Pendant le confinement de 2020 lié à l’épidémie de Covid-19, il observe de plus près ces images et s’arrête sur une particularité : certains manifestants fixent le photographe. 

Plongé dans les livres de l’Iranien Kaveh Kazemi, de l'américain David Burnett ou du Français Michel Setboun, Amin Yousefi a alors l’idée de placer sur chaque visage de ces clichés une petite loupe, pour mettre en exergue les personnes qui ont croisé le regard des photographes. Dans son projet Eyes Dazzle as They Search for the Truth (littéralement : « En quête de vérité, leur regard s’illumine », ndlr), l’observateur devient l’observé. « Ce projet met en lumière des individus qui, à un moment crucial de l’histoire, sont sortis de la masse et ont fixé l’objectif d’un appareil photo, explique le photographe, familier du retravail d’archives. Ce renversement des rôles montre des manifestants qui capturent l'image avec leur regard et déjouent l'appareil braqué sur elles. » 

Réappropriation

Né en 1996, à Abadan en Iran, le photographe est trop jeune pour avoir vécu ces événements, mais son projet lui permet de prendre part à l’histoire à sa façon : « La révolution iranienne est l’un des événements les plus marquants des cinq dernières décennies au Moyen-Orient, avec des répercussions multiples dans toute la région. La loupe me relie aux révolutionnaires. Il semble que leur regard ait attendu mes yeux pendant des décennies. J’ai essayé d’honorer leur désir d’immortalité. »  

Les regards légèrement relevés des manifestants s’expliquent par le point de vue : les photographes étaient souvent perchés sur des immeubles, ou même parfois sur des arbres. Le travail d’Amin Yousefi met également en avant la participation des femmes à la révolution : « Je suis content d’en avoir trouvé plusieurs qui fixaient la caméra », explique-t-il. La série d’Amin Yousefi a été exposée au 104 à Paris, au printemps, dans le cadre du festival Circulations. À cette occasion, il a contacté le photographe de presse Michel Setboun. Ce dernier, touché par le projet, revient sur la réinterprétation de ses photographies dans un post Instagram : « La matière première des images est désormais le terreau fertile d’une nouvelle histoire, d’un juste retour des choses, d’une réappropriation. » 

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