« Sous le chêne, je me sentais protégée »

Écrit par Catherine de Coppet Illustré par Léa Taillefert
En ligne le 29 octobre 2024
« Sous le chêne, je me sentais protégée »
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« Sous le chêne, je me sentais protégée »
Il se dressait, fier et majestueux, depuis des siècles au cœur de Silverton, en Angleterre. Jusqu’à ce jour fatal de janvier 2024.
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Il se dressait, fier et majestueux, depuis des siècles au cœur de Silverton. Pour Amy Tucker, comme pour tous les habitants de ce petit village anglais, le gigantesque arbre ne pouvait pas disparaître. Jusqu’à ce jour fatal de janvier 2024.
Article à retrouver dans la revue XXI n°67, Esport, la revanche des geeks
3 minutes de lecture

Je connais le chêne – c’est souvent comme ça qu’on l’appelle ici – depuis toujours. J’avais 1 an quand mes parents sont venus s’installer à Silverton, un petit village à 20 minutes en voiture d’Exeter. Leur maison, dans laquelle ma mère vit encore, est située de l’autre côté du parc, juste en face. Quand on ouvre la fenêtre du salon, c’est la première chose qu’on voit : l’arbre se dresse en plein milieu du gazon, gigantesque – il y a d’autres arbres en bordure du parc, mais aucun n’est aussi grand. Il a toujours été là. Depuis sept cents ans, paraît-il. Le chêne est devenu l’emblème du village, on le retrouve sur le t-shirt de l’école primaire. Après une courte période loin de Silverton vers mes 22 ans, je suis revenue m’installer ici. Mais de ma maison, on le voit moins bien.

Pour moi, cet arbre est associé à un garçon de mon enfance, le correspondant espagnol d’un ami. À chaque fois qu’il passait des vacances à Silverton, il insistait pour nous rendre visite avec sa famille d’accueil… pour voir l’arbre. C’était une attraction, il l’aimait tellement. Avec mes amis, c’était notre point de rendez-vous. Vers mes 11 ans, on passait des heures à jouer autour, à se balancer aux cordes accrochées à ses branches. Nos parents savaient où nous trouver. Un jour, le garçon espagnol s’est cassé le bras en tombant du chêne, ça m’a marquée. Pourtant, je me sentais toujours en sécurité près de lui. Je crois que mes camarades aussi. Il nous protégeait du soleil l’été et de la pluie à l’automne. C’était une bonne raison de jouer encore plus longtemps. J’aimais cette saison.

Comme un vieil homme sans sa canne

Le jour où il est tombé, j’étais au travail. C’était en janvier dernier. Je dirige une équipe d’apprenties puéricultrices dans une crèche, à Exeter. En plein après-midi, un ami m’a envoyé une photo de l’arbre à terre, j’ai immédiatement appelé ma mère. Elle avait entendu un énorme « boum » alors qu’elle regardait la télé, et elle était sortie dehors avec les voisins. Ça a été un choc énorme, tout le village était dévasté. J’ai récupéré ma fille à l’école, et avec d’autres parents nous sommes allés voir le chêne. C’était incompréhensible, il se dressait si calme et si fier le matin même. 

Ce n’était pas un jour de grand vent. Une explication possible serait qu’il était déséquilibré depuis quelque temps. Un peu comme un vieil homme à qui on aurait retiré sa canne. Le conseil local a décidé de recueillir l’avis des habitants sur ce qu’il fallait faire du chêne. Certains ont proposé qu’on fabrique des bancs avec son bois pour se souvenir de lui. D’autres ont dit qu’ils avaient déjà fait pousser de jeunes arbres à partir de ses glands. La plupart d’entre nous ont souhaité le laisser à terre, afin de ne pas abîmer les habitats des animaux. Les branches ont été coupées et il ne reste plus au sol qu’une partie du tronc. L’endroit paraît vide désormais. C’est comme si le pouvoir de protection du grand chêne avait disparu avec lui. 

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