Un militaire peut-il diriger un musée ? La question ne se pose pas en Égypte, où l’armée est omniprésente. Dans la plupart des administrations comme dans beaucoup d’entreprises privées, c’est un général ou un gradé à la retraite qui est à la manœuvre. Et cela n’a pas manqué au musée d’Ismaïlia. Celui-ci dépend en effet directement de l’autorité du canal de Suez, dirigée par l’amiral Ossama Rabie, l’un des hommes forts du pays. Pendant le temps de mon enquête, longtemps j’ai bercé l’espoir d’obtenir une interview du militaire de 60 ans bien tassés. En vain. La Grande Muette n’a jamais aussi bien porté son nom qu’en Égypte, particulièrement auprès des journalistes étrangers dont le travail est scruté par un régime de fer soucieux de l’image qu’il renvoie en dehors de ses frontières.
Qu’importe, ce reportage se fera sans les militaires. Mais quelle n’a pas été ma surprise quand, lors de la visite du musée, j’ai été accueilli par un général dont j’ignorais tout jusqu’alors : le directeur du musée, à qui échoit cette mission, parachute doré après une carrière de haut gradé dans l’armée. Montre étincelante au poignet, pince-cravate et costume de marque, celui-ci m’a gentiment offert le thé dans son luxueux bureau lambrissé. Aucune information ne sortira de sa bouche. Tout juste cette phrase : « Vous savez, nous les militaires, on n’est pas autorisés à s’exprimer devant les médias. » Mesure de précaution face à un journaliste trop curieux ou méconnaissance du contenu de sa nouvelle fonction ? Je n’ai pas cherché à en savoir plus : en Égypte, mieux vaut savoir rester prudent.