J’ai croisé Edi Rama pour la première fois à la fin des années 1990, quand il vivait en France. Nous avions des amis communs, et l’ambassadeur d’Albanie à Paris m’expliqua lui avoir conseillé d’accepter le portefeuille de ministre de la Culture, que lui offrait Fatos Nano en 1998 : « Je lui ai dit, Edi, tu as bientôt 35 ans et toujours pas d’emploi. Ministre, c'est plus sûr qu’artiste ! »
J’ai suivi les premiers pas d’Edi Rama à la mairie de Tirana, impressionné par les transformations de la capitale et rejetant les rumeurs qui parlaient déjà des commissions touchées par le maire. Le soir de sa première victoire aux élections législatives, le 23 juin 2013, en veine de confidences, il me lâcha les « vraies » raisons de son engagement politique : « la peur de la mort ».
Longtemps, j’ai voulu croire que le nouveau gouvernement socialiste allait s’attaquer aux constructions sauvages et à la mafia. Quand le boom du cannabis ramena l’Albanie sous les projecteurs de l’actualité, en 2016, le ministre de l’Intérieur, Saimir Tahiri, parvint presque à me convaincre qu’il luttait contre ce fléau. Puis le ministre est tombé pour trafic de drogue.
Longtemps, j’ai voulu croire que les rares médias restés indépendants et mes amis de Tirana exagéraient en parlant de « narco-État », mais les faits sont têtus. Accablants et têtus.
Quant à Edi Rama, il ne veut plus me recevoir.