Revue XXI n°47

Amérique : les jeunes loups

Prendre la route avec Black Wolf, « Indien » lucide et désespéré. Suivre une bande de millionnaires prêts à racheter une île en ruine. Retrouver des copains d’enfance, assez fous pour sauver la Californie en flamme. Ce numéro vous raconte trois histoires d’avant l’effondrement écologique. Celles de loups sauvages, prédateurs ou héroïques.
Été 2019
Amérique : les jeunes loups

C’est d’abord une histoire de hasard. Un soir, en traînant sur un forum en ligne, Camille Laffont est happé par la poésie d’un témoignage.

« Les Indiens qui parviennent sur la scène nationale ont toujours l’air de passer à côté de la question. Ils se tournent vers le passé, en espérant changer le présent et l’avenir. Je suis un véritable artiste indien. Je peins avec le sang de mes ancêtres. Je dévoile au monde les tourments qui hantent l’inconscient de mon peuple, j’expose les conséquences du traumatisme, j’expose l’armée de fantômes qui habitent mon cœur. Nos fantômes sont nombreux. Nous en avons créé beaucoup. J’en traîne moi-même une armée dans mon sillage. J’ai 26 ans et je suis déjà vieux et fatigué. »

Un Sioux a partagé sa chronique ironique et désespérée du quotidien des perdants de l’Amérique. Ça tombe bien, Camille Laffont rêve de se confronter à la fascination un peu suspecte pour les Indiens qu’il nourrit depuis une enfance collée devant Danse avec les loups. Pour briser le mythe, le jeune journaliste veut se frotter au réel. « À quoi bon ? C’est une histoire banale », lui écrit Sean Black Wolf. En lakota, son nom signifie « chagrin ». « Chagrin Loup noir », peintre, poète à ses heures, habite une réserve du Dakota du Sud, une terre silencieuse et déserte où il n’est plus question d’héroïsme mais de survie.

Il en faut plus pour décourager Camille Laffont, qui s’envole pour Rosebud et roule 6 000 kilomètres dans un habitacle glacial au côté de Black Wolf sur les traces de ses ancêtres. Les quelques lignes qu’il envoie à la rédaction de XXI pour nous proposer son reportage présagent d’un récit fort. Le résultat, que nous publions dans ce numéro, est plus qu’un portrait : c’est l’histoire, à travers celle de Black Wolf, de la grandeur et de la déchéance d’un peuple.

Dans les médias, les immersions sont rares. Il faut du temps, de l’argent, de l’humilité pour plonger dans la vie des autres. Parfois aussi, de la témérité. Un été, Paul Moreira et Pedro Brito Da Fonseca sont partis sans garantie ni diffuseur tourner un documentaire sur le front syrien. Chargés comme des mulets, ils ont cherché sous les bombes des révolutionnaires communistes, anarchistes, socialistes ayant quitté leur confort occidental pour aller combattre Daech. Les journalistes voulaient se confronter à un autre mythe, celui du combattant étranger qui fait revivre le brigadiste de la guerre d’Espagne. En tombant sur le bataillon Marcello, ils ont remis leur destin entre les mains de parfaits inconnus. Et manqué y rester. Leur reportage raconte la guerre, oui, mais sa « banalité ». Son quotidien. Son ennui. Ses confidences. Se mettre en danger, c’est d’abord démystifier le héros pour regarder l’homme et ses fantômes. Pour se regarder soi-même.

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Indépendante, sans publicité, elle propose à ses lectrices et lecteurs
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