Revue XXI n°38

Le mystère turc

La Sublime-Porte désignait l’Empire ottoman. Elle se referme aujourd’hui sur le pays. Lisez le portrait de ceux qui en tiennent désormais les clés. Mais aussi l’histoire d’une religieuse, menacée par ses voisins, qui vit cloîtrée dans son église ainsi que les récits de femmes prisonnières de la tradition, mariées ou plutôt vendues par leur famille.
Printemps 2017
Le mystère turc

Recep Tayyip Erdoğan aime se comparer à un « berger ». Au risque de confondre son peuple avec un troupeau. Les Turcs pourraient ne pas se montrer aussi dociles que leur président le souhaite. Il n’a pas grand-chose à redouter, en revanche, de ses voisins occidentaux. Les Européens ne s’attaqueront pas à l’homme qui, au premier conflit, les menace de rouvrir les vannes de l’immigration.

Rien n’est trop colossal pour lui. À l’image de sa démesure, il s’est fait bâtir un palais monumental de mille cent cinquante pièces en lisière d’Ankara. Il s’apprête à inaugurer sa mosquée, la plus grande de Turquie. Vaste comme deux terrains de football, capable d’accueillir trente-sept mille fidèles, elle dominera Istanbul. En dotant son pays d’un sanctuaire digne des lieux saints d’Arabie Saoudite, Erdoğan veut retrouver la grandeur de l’Empire ottoman et tourner la page de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur d’une Turquie moderne et laïque.

Ses partisans lui vouent un culte. Après le putsch manqué et la répression qui a suivi, sa cote a encore grimpé dans les sondages. Son image d’homme à poigne, son message à la fois religieux, conservateur et nationaliste séduisent une bonne partie des couches moyennes et populaires. Notamment dans les régions centrales, loin des côtes et des grandes villes.

Pour percer ce mystère turc, nous aurions pu interroger la jeune femme en rouge et ses amis. Journalistes, intellectuels, opposants qui vivent à Istanbul ou Ankara. Nous avons choisi de nous intéresser aux autres, à ceux qui soutiennent le nouveau Grand Turc.

Aucune complaisance dans notre démarche. Faute d’avoir cherché à comprendre, nombre d’observateurs ou prétendus tels n’ont pas vu venir la victoire du Brexit en Grande-Bretagne ou celle de Donald Trump aux États-Unis. Recep Tayyip Erdoğan est aussi l’expression de ce repli identitaire qui gagne partout du terrain.

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