Revue XXI n°39

Nos crimes en Afrique

Voici trois histoires qui n’auraient pas dû émerger, enfouies dans des cartons classés secret-défense. Celle d'un massacre commis par l’armée française au Sénégal fin 1944. Une autre parmi les mercenaires et les vendeurs d’armes au Biafra. La troisième est une note manuscrite exhumée de l’Élysée sur le Rwanda.
Eté 2017
Nos crimes en Afrique

En 2003, la France a fermé son ancien musée des Colonies (rebaptisé musée des Arts africains et océaniens). Mais sa mémoire est cadenassée. Son histoire en Afrique depuis l’après-guerre reste à écrire. Une bonne partie des rapports, des notes, des télégrammes relatifs à son action officielle – et plus encore officieuse – dans cette partie du monde demeurent inaccessibles.

Combien de soldats indigènes ont été tués par leurs propres officiers parce qu’ils réclamaient le paiement de leur solde, à Thiaroye, au Sénégal, en 1944 ? Quel rôle Jacques Foccart, le conseiller Afrique du général de Gaulle, a-t-il joué dans le déclenchement et la poursuite de la guerre civile au Biafra, vingt-cinq ans plus tard ? La France a-t-elle permis, voire facilité, le génocide au Rwanda en 1994 ? A-t-elle formé, armé et exfiltré les tueurs ? Les réponses à ces questions reposent dans des dossiers toujours classés secret-défense.

Durant son mandat, le président François Hollande entrouvre des placards pour mieux les refermer. En 2014, lors d’un hommage aux tirailleurs sénégalais fusillés à Thiaroye, il promet de transférer aux autorités sénégalaises la copie de l’intégralité des documents liés au massacre : « La France se grandit à chaque fois qu’elle est capable de porter un regard lucide sur son passé », déclare-t-il ce jour-là. Un an après, l’Élysée annonce l’ouverture des archives sur le Rwanda, mais ne rend publics que des éléments déjà connus.

Dans les deux cas, historiens et journalistes qui travaillent sur ces périodes continuent de se heurter au mur du silence. On peut échapper aux vivants, pas aux morts, écrit le romancier américain William Faulkner. Les morts ne disparaissent jamais. Avec le temps, ils tendent même à peser de plus en plus lourd. Si nous revenons sur trois crimes commis par l’État français en Afrique au cours de la seconde moitié du xxe siècle, nous le faisons pour les morts et plus encore pour les vivants. Pour tous ceux qui en portent encore le poids.

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