En Russie, depuis le 24 février 2022, la guerre est invisible et omniprésente. Le mot « guerre » lui-même a été banni de l’espace public dès les premières heures de l’invasion de l’Ukraine. Le parlement a adopté une loi criminalisant la diffusion de fausses informations et toute déclaration discréditant les forces de l’armée. Des milliers de manifestants ont été arrêtés et placés en détention.
Parallèlement, le pays a subi une incontestable militarisation : des clubs et des camps militaro-patriotiques surgissent partout, des affiches de recrutement tapissent les villes, des lettres Z géantes, symboles de l’« opération militaire spéciale », ornent les bâtiments. Dans les écoles, les classes de cadets sont de plus en plus nombreuses. Elles mettent l’accent sur la formation militaire, l’entraînement au combat, l’étude de l’histoire et… la valse.
« Au début de la guerre, les gens étaient choqués »
En observant comment la perception des personnes, à commencer par son propre entourage, changeait au fil du temps, l’auteur de ce travail photographique – dont l’identité restera anonyme pour des questions de sécurité – a décidé de raconter le quotidien des Russes. Ce portfolio se focalise surtout sur le processus de manipulation de l’opinion publique mis en œuvre dans le pays. « La propagande s’infiltre partout : dans les médias, les réseaux sociaux, l’éducation, la culture, la religion, les événements publics et les célébrations, confie le photographe. Au début de la guerre, les gens étaient choqués, ils manifestaient, ils en parlaient tout le temps. Aujourd’hui, ils évitent tout simplement le sujet. »
La communication devient de plus en plus difficile. Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé de nouvelles restrictions sur les applications de messagerie WhatsApp et Telegram, dont les appels étaient déjà devenus impossibles à cause d’un son intermittent et d’un bourdonnement métallique. Le Kremlin accuse ces plateformes étrangères de ne pas partager d’informations avec les forces de l’ordre dans les affaires de fraude et de terrorisme. Isolés, censurés et endoctrinés, les Russes ne parlent plus. Voici l’une des rares, précieuses voix qui encore résistent à la manipulation et défient la censure.









