« Les artistes sont représentatifs d'une société. Nous avons voulu leur faire honneur. » Depuis 2020, les photographes Axelle de Russé et Thomas Morel-Fort arpentent villes et villages français à la rencontre de celles et ceux qui font les arts vivants dans l'Hexagone. Après avoir amorcé cette galerie de portraits en Île-de-France, le duo a pu la poursuivre à l’échelle nationale grâce à la bourse de la Grande Commande photographique de la Bibliothèque nationale de France.
Comme fil conducteur, Axelle de Russé et Thomas Morel-Fort ont choisi de prendre leurs clichés dans les loges, les coulisses, dans des moments d’interstices. Jamais lors des représentations. C’est ainsi qu’en juillet 2022, ils ont photographié les chanteurs du chœur Spirito quinze minutes à peine après leur concert lors du festival Messiaen au Pays de la Meije, dans les Hautes-Alpes. Ce chœur de chambre professionnel, dirigé par Nicole Corti, se produit régulièrement dans des lieux isolés de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Du côté du dispositif, le choix de la chambre photographique s’est imposé. « Quand nous l’utilisons, un dialogue s’instaure. Son côté lent et minutieux nous permet de prendre le temps d’observer, et de saisir l’instant présent. Nous cherchons à capter avec les artistes ce temps suspendu », expliquent les photographes.
L’art, « non essentiel » ?
Ce projet a débuté quelques mois après le début de la pandémie de Covid, en novembre 2020, alors que de multiples mesures gouvernementales avaient placé l'art dans la case des activités « non essentielles ». « Nous-mêmes, en tant que photographes, avons été confrontés à ces questionnements. Et à cette solitude. C’est pourquoi, nous avons décidé, à deux, d’aller à la rencontre des artistes », raconte Axelle de Russé. « Est-ce que l'art est essentiel ? C'était notre point de départ. Nous nous sommes alors demandé ce que cela signifiait d’être artiste aujourd'hui », complète Thomas Morel-Fort.
« À la fin du XIXe siècle, Nadar réalisait des portraits de personnalités du monde de la culture. Au XXe siècle, Doisneau mettait en scène et photographiait les musiciens de l'époque. Nous souhaitons nous inscrire dans cette tradition de la documentation à l'argentique. Ces précieuses archives sont le reflet des périodes traversées », met en perspective Axelle de Russé. Les deux photographes continuent de photographier les artistes des arts vivants dans les territoires qu’ils n’ont pas encore explorés. Ils projettent notamment de se rendre dans les Dom-Com, qu’ils voient comme le point final de ce projet.