Ultra confidentiel

Photo par Oded Balilty Écrit par Sonia Reveyaz et Marion Quillard
En ligne le 13 février 2023
Ultra confidentiel

Tou Bichevat est le quinzième jour du mois de Chevat dans le calendrier juif.  Ce jour marque le début d’une nouvelle année pour les arbres. C’est en effet à cette époque  que les feuillus les plus précoces de la terre d’Israël émergent de leur sommeil hivernal et entament un nouveau cycle de floraison.

En Israël, un juif sur dix est ultra-orthodoxe. La communauté ne cesse de gagner en nombre et en influence. Le photographe Oded Balilty a réussi à s’immiscer dans ces rassemblements très fermés. Depuis dix ans, il observe cette communauté guidée par la loi de Dieu, et les saisit, comme des tableaux. « Certains refusent qu’on les prenne en photo. D’autres acceptent en échange d’un portrait de leur rabbin » – la personne qui guide leur vie, depuis les disputes de couple jusqu’aux questions de santé. Les hommes et les femmes ne se mélangent pas. Les hommes consacrent leur vie à l’étude de la religion, et la moitié d’entre eux ne travaillent pas. Les trois-quarts des femmes travaillent, subvenant aux besoins de la famille.

Le photographe se trouve au cœur de la vie sociale, dans des fêtes religieuses célébrées dans une liesse effrénée, comme ce mariage où les coutumes donnent la cadence. « La mariée entame la danse traditionnelle avec le marié vers une heure du matin, une fois enlevé le rideau séparant hommes et femmes. Ils ne se touchent pas, lui se trouve au bout du ruban qu’elle tient à la main. En général, les mariés ne se sont rencontrés qu’une ou deux fois avant le mariage. La jeune femme quitte le domicile de ses parents, elle doit se montrer triste. »

Ces fêtes ostentatoires peuvent mobiliser jusqu’à 25 000 invités qui se déplacent du monde entier. Les fêtes religieuses, les mariages, les enterrements permettent de ponctuer la vie des ultra-orthodoxes, en perpétuelle communion avec Dieu.

Cette photographie a été publiée en 2014 dans le n° 8 de 6Mois, à l’époque de l’iPhone 6 et de Barack Obama. En 2021, rien n’a bougé : les vêtements noirs, la foule des grands jours, l’invisibilité des femmes, tout est encore là, inchangé, permanent. « Le monde des ultra-orthodoxes est un tableau du XVIIIe siècle. » Parmi eux, le temps s’écoule lentement.

Une pause bienvenue pour ce photographe qui estime que « la vitesse nous rend tous fous ». Il a commencé à photographier cette communauté en bas de chez lui, après quelques années passées en Chine. « J’ai vu mon pays différemment. J’ai compris que notre histoire ne se résumait pas au conflit avec la Palestine. Ces gens m’apprennent beaucoup sur qui je suis. Je ne prie pas, mais je respecte les grandes traditions, je suis juif. Il faut tenter de comprendre ce que ça veut dire. »