Bijoux XXL, lèvres botoxées et voitures de collection décapotées… Le photographe de rue Dougie Wallace piste les élites traditionnelles anglaises et les nouveaux super-riches dans leur habitat naturel : les quartiers huppés de Londres.
Les passantes déambulent devant les vitrines du grand magasin Harrods. Avec ses bouteilles de spiritueux dépassant le millier d’euros et ses montres serties de diamants, le temple du luxe britannique abrite plus de 3 000 marques prestigieuses sur 92 000 mètres carrés dans le quartier de Knightsbridge. Avec les quartiers environnants de Belgravia, Chelsea, Mayfair et Kensington, cette zone de Londres est l’une des plus huppées du Royaume-Uni. Et du monde. C’est ce « terrain de jeu des ultrariches » que le photographe Dougie Wallace a adopté pour sa série « Harrodsburg ». Dans cette enclave de grandes fortunes, l’espérance de vie des hommes atteint 84 ans, celle des femmes 87 ans. C’est ici que l’on vit le plus longtemps au Royaume-Uni. Dougie Wallace, lui, a grandi à Calton, un quartier populaire de Glasgow, où la durée de vie moyenne demeure la plus courte d’Europe occidentale. En 2010, le Qatar a racheté Harrods à l’Égyptien Mohammed Al-Fayed pour 1,5 milliard de dollars. Dans le quartier de Kensington, la vieille aristocratie anglaise voit débarquer depuis quelques années des millionnaires qataris, saoudiens ou russes, qui rachètent des immeubles entiers pour placer leur argent. À Kensington et à Chelsea, le mètre carré dépasse désormais les 20 000 euros. En 2021, Londres est passée devant New York en nombre de millionnaires – ils étaient alors près de 900 000. Selon l’Office for National Statistics, la ville détient également le titre de capitale la plus inégalitaire au monde. Les « écarts de richesse entre les riches et les pauvres [y] retrouvent des niveaux proches de l’ère victorienne [couvrant la deuxième moitié du XIXe siècle, NDLR], une époque de très fortes inégalités », s’alarmait en décembre 2023 le Centre for Social Justice. Dans Kensington, le défilé de voitures de course est incessant. « Ici, l’argent s’expose, les riches se donnent en spectacle. Je photographie ce qu’ils donnent à voir de façon ostentatoire » , explique l’Écossais. L’émergence de cette élite économique et la gentrification à l’extrême ont chassé ce qui restait de classes moyennes à Kensington et Chelsea. Quand Harrods baisse ses stores vert et doré, le bruit et l’animation des journées de shopping laissent place au silence. Et à l’obscurité : « 40 % des propriétés sont vides, souligne le photographe sur son site internet. Ces propriétaires toujours absents font exploser les prix de l'immobilier sans contribuer à l'économie locale. » Selon le rapport annuel d’Oxfam sur la répartition des richesses, les 1 % des Britanniques les plus riches possèdent plus que 70 % de leurs compatriotes. Un chiffre encore supérieur à la moyenne mondiale. De son côté, l’enseigne de luxe Harrods a annoncé un chiffre d’affaires de 974 millions d’euros pour l’année 2022.