Entretien  |  Pouvoirs

« Nous déconseillons les comparateurs de prix en ligne »

Écrit par Clément Fayol
Face à l’opacité d’Ohm Énergie et de ses concurrents, François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), milite pour une réglementation plus stricte des démarchages et des offres commerciales.

XXI : Dans le secteur de l’électricité, les consommateurs semblent ballottés entre les fournisseurs. Quel bilan tirez-vous de l’ouverture à la concurrence ?

Quand le secteur fonctionnait avec un tarif unique, il était facile de comprendre ce que l’on payait, d’autant que les tarifs n’évoluaient pas souvent. L’ouverture du marché à la concurrence en 2007 et l’arrivée de 35 fournisseurs a changé la donne. Ces entreprises se livrent à une course terrible pour être le moins cher – et pour le faire savoir –, sans que les différences de services soient fondamentales. En général, il s’agit d’entreprises de taille assez réduite, qui n’emploient que quelques dizaines de salariés. Même les grands fournisseurs, comme TotalEnergies ou Eni, ne dédient pas d’effectifs importants à cette activité.

Le seul moyen pour se démarquer de la concurrence est de le faire via la relation client et le service informatique. C’est avec ces arguments-là qu’ils déploient des offres commerciales pour se positionner et chercher à gratter des parts de marché. Ils ont recours au démarchage et utilisent les sites de comparateurs de prix pour mettre en avant leurs offres.

Vous dénoncez régulièrement, y compris en saisissant la justice, l’utilisation de ces comparateurs de prix en ligne. Qu’est-ce que vous leur reprochez ?

Nous déconseillons de consulter ces plates-formes, car elles ne sont pas assez encadrées. Ce que les fournisseurs ne disent pas, c’est que les prix peuvent évoluer. Les tarifs annoncés sont susceptibles de changer par le simple envoi de SMS ou d’e-mail. Avec davantage de transparence, les clients qui veulent se diriger vers des fournisseurs alternatifs pourraient le faire en connaissance de cause.

De notre côté, nous plaidons pour que les démarchages et les offres d’électricité soient soumis aux mêmes règles que celles des services financiers – pour lesquels les produits d’épargne risqués sont clairement indiqués. Pour le moment, un article de la réglementation de l’énergie prévoit qu’un fournisseur peut effectuer des modifications de prix s’il prévient le client un mois à l’avance. 

Les nouveaux fournisseurs d’électricité ne sont ni producteurs, ni transporteurs, ni distributeurs.

Habituellement, la concurrence permet de tirer les prix vers le bas. Vous n’avez observé aucun effet bénéfique dans le domaine de l’énergie ?

Notre association est pragmatique et généralement favorable à l’ouverture à la concurrence. C’est au cas par cas. Cela a été le cas, par exemple, dans les télécoms avec le téléphone portable, où une réelle concurrence a été créée pour l’opérateur historique. Dans le cas de la fourniture d’électricité, les nouveaux acteurs ne sont ni producteurs, ni transporteurs, ni distributeurs. Ils n’ont donc pas vraiment les moyens d’être rentables. Il aurait fallu qu’il y ait plusieurs producteurs majeurs d’énergie. Or là, il n’y en a qu’un seul.

Pour gagner de l’argent et se distinguer des rivaux, il leur faut donc jouer sur d’autres leviers. En France, le levier consiste à maximiser les profits en utilisant les droits et tarifs réglementés. Et comme le marché de l’énergie a atteint des niveaux stratosphériques, il y a eu un moyen de faire une plus-value spéculative.

Face à ces abus ou comportements opportunistes, la Commission de régulation de l’énergie et les autres institutions semblent totalement dépassées…

Dans tous les pays, les régulateurs d’énergie sont critiqués par les associations de consommateurs. Ils ont toujours le mauvais rôle, leur position est difficile à tenir. En France, le péché originel de la Commission de régulation (CRE), c’est qu’elle a été créée avec l’ouverture du marché : sa raison d’être est que celle-ci réussisse, coûte que coûte. Les membres de la CRE feront donc passer d’abord les règles du marché, avant toute considération de protection du consommateur. Mais il n’y a pas que cette commission. Le ministère de la Transition écologique, qui octroie les licences aux opérateurs, était supposé conditionner cette autorisation à des critères de solidité financière. Mais en réalité il a attribué des licences à tout le monde. Il n’y a pas besoin de grand-chose pour devenir fournisseur d’énergie.

Explorer le thème
France
Une femme écrit sur un ordinateur
Décembre 2025
« La Femme de ménage » et les robots : le mystère McFadden
La discrète autrice américaine à succès publie plus vite que son ombre. Trop ? Certains vont jusqu’à la soupçonner d’être une intelligence artificielle.
Portrait  |  Décembre 2025 | Algorithmes
Des gens autour d’une coupe de champagne dans laquelle tombe un baril de pétrole
Décembre 2025
Un soupçon de pétrole au cocktail du GIEC
Au Quai d’Orsay, à la réception du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’ombre de Total planait sur quelques invités de poids.
Reportage  |  Décembre 2025 | Écosystèmes
portrait de Ramsès Kefi
Décembre 2025
Marseille, des tubes aux tueurs
Une chronique de Ramsès Kefi sur l’assassinat du frère d’Amine Kessaci, le narcotrafic et les entêtants refrains des rappeurs hardcore.
D’un trait  |  Décembre 2025
vue brouillée de l’hémicycle du Palais-Bourbon
Novembre 2025
Flou artistique et odeur de Bacon à l’Assemblée nationale
En superposant des photos du Parlement, Denis Allard convoque les portraits torturés de Francis Bacon pour refléter le « bazar » de la politique française.
Coup d’œil  |  Novembre 2025 | Pouvoirs
portrait de Sophie Bouillon
Novembre 2025
« On sait que ça va pas être possible »
Une chronique de Sophie Bouillon – où l’on parle du Nigeria, d’optimisme, et d’une jeunesse française qui doute.
D’un trait  |  Novembre 2025
Prime, Iris Alameddine et Kameto
Novembre 2025
Derrière la guerre fratricide de la Karmine Corp, les rêves de grandeur d’une banquière
Iris Alameddine est aux manettes de luttes d’influence au sein du club d’esport le plus populaire de France. Et les griefs s’accumulent. Nos révélations.
Enquête  |  Novembre 2025 | Algorithmes
portrait de James Stone
Octobre 2025
Le très discret magnat américain derrière Gabriel Zucman
James Stone, assureur millionnaire, soutient l’idée d’une taxe sur les milliardaires. Il est de ceux qui financent les recherches de l’économiste français.
Portrait  |  Octobre 2025 | Pouvoirs
portrait de Ramsès Kefi
Octobre 2025
La minute papillon des ministres de Macron
Une chronique de Ramsès Kefi – où l’on parle de l’Olympique de Marseille, d’une affaire de sextape à Saint-Étienne et de cookies au chocolat blanc.
D’un trait  |  Octobre 2025
écrivains, religieux et manifestants autour d’une abbaye
Octobre 2025
À Lagrasse, Mao, le Christ et leurs deux apôtres
L’écrivain et le prêtre auraient pu être amis. Ils racontent leur abbaye scindée entre intellos de gauche et chanoines aux accointances réacs.
Reportage  |  Octobre 2025 | Aventures
militaire et poignée de main sur fond de drapeau européen
Octobre 2025
Une taupe à Bruxelles pour un bunker à 111 millions en Somalie
L’ex-général français a décroché un des plus gros projets européens en 2016. Mais après neuf ans d’enquête, il est renvoyé devant le tribunal.
Enquête  |  Octobre 2025 | Pouvoirs