Chasse gardée au Groenland

Photos par Tiina Itkonen Un récit photo de Catherine de Coppet Un portfolio issu de la revue XXI
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Chasse gardée au Groenland
Depuis 1995, la Finlandaise Tiina Itkonen mène un travail documentaire inédit, auprès des Inuits au Groenland, dans la zone habitée la plus septentrionale de la planète. La nouvelle donne climatique, qui affecte fortement leur moyen de subsistance, la chasse à chiens de traîneau, met à l’épreuve leur sens de l’adaptation.
Publié le 26 février 2024
Article à retrouver dans cette revue
Arnaques, crimes et vies de château
Revue XXI n°64
Arnaques, crimes et vies de château
Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, « XXI » vous embarque dans la zone grise entre Russie et Europe.
Printemps 2024
Depuis 1995, la Finlandaise Tiina Itkonen mène un travail documentaire inédit, auprès des Inuits au Groenland, dans la zone habitée la plus septentrionale de la planète. La nouvelle donne climatique, qui affecte fortement leur moyen de subsistance, la chasse à chiens de traîneau, met à l’épreuve leur sens de l’adaptation.
En 2018, dans le nord-ouest du Groenland – pays constitutif du royaume du Danemark –, Tiina Itkonen a suivi Olennguaq, alors âgé de 48 ans. Installé depuis vingt ans à Savissivik, qui compte une cinquantaine d’habitants dont une dizaine de chasseurs, il pratique encore la chasse à chiens de traîneau. Pour cette activité vieille de plusieurs siècles, il utilise un outil ancestral afin de sonder l’épaisseur de la glace.
Avec le réchauffement climatique, les zones de chasse accessibles en traîneau depuis Savissivik se réduisent d’année en année, la glace de mer étant moins solide et sa surface moins étendue. Olennguaq possède une vingtaine de chiens de traîneau. Chaque chasseur en a entre dix et vingt, si bien qu’à Savissivik, le nombre de canidés dépasse celui d’humains.
Avec le réchauffement climatique, les zones de chasse accessibles en traîneau depuis Savissivik se réduisent d’année en année, la glace de mer étant moins solide et sa surface moins étendue. Olennguaq possède une vingtaine de chiens de traîneau. Chaque chasseur en a entre dix et vingt, si bien qu’à Savissivik, le nombre de canidés dépasse celui d’humains.
Lors de ses sorties, il n’est pas rare qu’Olennguaq croise le père de sa femme, Qaerngaaq qui, à 80 ans, chasse encore en traîneau. D’une génération à l’autre, les méthodes n’ont pas changé. Seule évolution : le téléphone satellite, utile en cas de difficulté.
Lors de ses sorties, il n’est pas rare qu’Olennguaq croise le père de sa femme, Qaerngaaq qui, à 80 ans, chasse encore en traîneau. D’une génération à l’autre, les méthodes n’ont pas changé. Seule évolution : le téléphone satellite, utile en cas de difficulté.
La période où la banquise est praticable en traîneau est passée de dix mois dans les années 1990 à cinq mois aujourd’hui, et il arrive que l’épaisseur de celle-ci ne dépasse pas 30 cm, quand elle atteignait souvent deux mètres. En conséquence, les expéditions durent une journée ou moins, contre parfois quatre semaines auparavant. Qaaqqutsiannguaq, le fils aîné d’Olennguaq (ci-dessus à 18 ans), a néanmoins suivi la voie de son père.
La période où la banquise est praticable en traîneau est passée de dix mois dans les années 1990 à cinq mois aujourd’hui, et il arrive que l’épaisseur de celle-ci ne dépasse pas 30 cm, quand elle atteignait souvent deux mètres. En conséquence, les expéditions durent une journée ou moins, contre parfois quatre semaines auparavant. Qaaqqutsiannguaq, le fils aîné d’Olennguaq (ci-dessus à 18 ans), a néanmoins suivi la voie de son père.
Caribous, bœufs musqués, phoques, morses, narvals sont les principales proies de ces professionnels. La capture des ours polaires est rare, et réglementée par des quotas.
Caribous, bœufs musqués, phoques, morses, narvals sont les principales proies de ces professionnels. La capture des ours polaires est rare, et réglementée par des quotas.
Face aux nouvelles contraintes qui pèsent sur cette activité, les villages comme Savissivik (ci-contre) se vident. Beaucoup d’habitants font le choix de partir pour la ville, Qaanaaq, 600 âmes, accessible uniquement en bateau, scooter des neiges ou avion, voire en hélicoptère en hiver. Ils s’y font embaucher dans les usines de congélation de poissons, qui se développent, et dont la production est destinée au sud du Groenland. La fonte de la banquise réduit l’habitat des ours polaires, qui sont désormais souvent visibles aux abords du village. Les habitants ne sortent d’ailleurs jamais sans une arme.
Pour la chasse aux gros animaux terrestres – au fusil –, l’habit traditionnel se compose d’un pantalon et de bottes en peau d’ours.
Pour la chasse aux gros animaux terrestres – au fusil –, l’habit traditionnel se compose d’un pantalon et de bottes en peau d’ours.
Les moyens mis en œuvre varient selon les types de proies traquées. Ainsi les narvals sont chassés à plusieurs kayaks de mer, au harpon. En hiver, les embarcations sont transportées sur les traîneaux jusqu’aux zones de chasse, en été sur les bateaux à moteur.
Les moyens mis en œuvre varient selon les types de proies traquées. Ainsi les narvals sont chassés à plusieurs kayaks de mer, au harpon. En hiver, les embarcations sont transportées sur les traîneaux jusqu’aux zones de chasse, en été sur les bateaux à moteur.
Sur les 800 personnes qui peuplent le nord-ouest du Groenland, 200 vivent dans trois villages isolés, dont Savissivik. Les maisons, faites de bois, sont modestes, avec souvent une seule chambre. Elles sont chauffées par des poêles à huile.
Sur les 800 personnes qui peuplent le nord-ouest du Groenland, 200 vivent dans trois villages isolés, dont Savissivik. Les maisons, faites de bois, sont modestes, avec souvent une seule chambre. Elles sont chauffées par des poêles à huile.
Olennguaq habite dans une maison avec sa femme Naduk et leurs sept enfants, dont Nuka, l’avant-dernier (ici à 8 ans). Aujourd’hui, Nuka est capable de conduire seul un traîneau.
Olennguaq habite dans une maison avec sa femme Naduk et leurs sept enfants, dont Nuka, l’avant-dernier (ici à 8 ans). Aujourd’hui, Nuka est capable de conduire seul un traîneau.
Les animaux, comme ici un phoque, dans la cuisine de Qaerngaaq, sont tués pour leur viande. Celle-ci constitue la base de l’alimentation traditionnelle pour les habitants et leurs chiens.
Les animaux, comme ici un phoque, dans la cuisine de Qaerngaaq, sont tués pour leur viande. Celle-ci constitue la base de l’alimentation traditionnelle pour les habitants et leurs chiens.
Les chasseurs de Savissivik n’ont pas d’autre activité, ils en dépendent pour faire vivre leurs familles. Il leur arrive de vendre de la peau de baleine, mais c’est très rare. Ci-dessus la maison de Qaerngaaq, qui habite le village, comme sa fille et son gendre, Olennguaq .
Les chasseurs de Savissivik n’ont pas d’autre activité, ils en dépendent pour faire vivre leurs familles. Il leur arrive de vendre de la peau de baleine, mais c’est très rare. Ci-dessus la maison de Qaerngaaq, qui habite le village, comme sa fille et son gendre, Olennguaq .
Dorénavant, les expéditions sont plus dangereuses car les zones trop fragiles pour supporter le poids d’un traîneau se multiplient. Les icebergs sont donc d’excellents alliés, offrant des points de vue pour évaluer l’étendue de la banquise aux alentours. Mais ils ont tendance également à se réduire, rendant ces observations plus compliquées. Ces dernières années, il est devenu difficile de se projeter dans les saisons : les habitants ne peuvent plus prédire quand la mer va geler ni pour combien de temps. « En décembre 2023, les habitants attendaient encore la glace de mer, alors que la saison hivernale avait commencé. Ils me disaient qu’elle mettait énormément de temps à geler », rapporte la photographe.
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