Daisy Copeaux au chevet des chênes de Chantilly

Écrit par Marie-Laure Théodule Illustré par Chez Gertrud
En ligne le 29 octobre 2024
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Cette ancienne ingénieure de l’ONF a convaincu les propriétaires du domaine de Chantilly d’explorer une nouvelle sylviculture.
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Ancienne ingénieure de l’Office national des forêts, Daisy Copeaux a convaincu les propriétaires du domaine de Chantilly d’explorer une nouvelle sylviculture. En jeu : la survie des arbres face au réchauffement climatique.
Article à retrouver dans la revue XXI n°67, Esport, la revanche des geeks
4 minutes de lecture

« Mais que vont devenir mes pépères ? » On est en 2018. Un diagnostic santé de la forêt du château de Chantilly révèle qu’un tiers des chênes, soit 50 000 gros arbres, sont menacés de disparition d’ici vingt ans. Pour Daisy Copeaux, alors en charge de la gestion de ce domaine à l’Office national des forêts (ONF), l’idée est insupportable. L’ingénieure, qui a grandi dans l’Aisne à l’orée de la forêt de Retz, une des plus belles de France, est viscéralement attachée aux arbres. 

Or, cela fait plusieurs années qu’elle voit, avec ses collègues, leur situation se dégrader sur le terrain. La méthode des coupes rases qu’elle applique, et qui consiste à abattre massivement les arbres d’une parcelle avant d’en planter d’autres, a été efficace pour renouveler la forêt et augmenter la production de bois. Mais, estime l’ingénieure, elle ne fonctionne plus depuis que le réchauffement climatique s’intensifie : « Les coupes rases ont créé des corridors dans lesquels la fournaise s’installe. En plein soleil, les jeunes plants n’arrivent plus à pousser. Par ailleurs, les sols mis à nu facilitent la prolifération des hannetons, qui consomment les racines et les feuilles des arbres. Enfin, certains de mes pépères dépérissent sur pied car il leur manque en moyenne 120 litres d’eau par jour. » On l’incite pourtant à continuer les coupes rases. Daisy Copeaux se retrouve entre le marteau et l’enclume. 

Par quoi remplacer les coupes rases ?

Alors cette battante, aussi frêle que déterminée, n’hésite pas : elle quitte l’ONF et intègre l’Institut de France, propriétaire du domaine de Chantilly depuis 1886 quand le duc d’Aumale lui en a fait don. Surtout, elle devient l’adjointe de son ex-interlocuteur, le général Jérôme Millet, qui administre la forêt. Un chef idéal, prêt à avancer, se félicite-t-elle. Mais le contexte est délicat. Les associations écologistes réclament une sylviculture plus douce pour assurer la pérennité de la forêt. Elle leur tend la main : « On est dans une situation d’urgence. Ni vous ni moi n’avons la solution, il faut qu’on la trouve ensemble. » Dès 2020, malgré les réserves de certains forestiers, elle persuade le général Millet de faire arrêter les coupes rases.

Mais pour les remplacer par quoi ? Pourquoi certains arbres résistent-ils, et d’autres pas ? Quelles espèces planter pour assurer leur viabilité dans quarante ans, avec le réchauffement qui s’accélère ? À quels endroits ? Avec quelle méthode ? Pour trouver des solutions, Daisy décide de faire coopérer bénévoles, scientifiques de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), élus, forestiers et chasseurs dans un collectif baptisé « Ensemble, sauvons la forêt de Chantilly ». De fortes personnalités qui souvent s’ignoraient. « Elle a une capacité de persuasion et une ténacité hors du commun », admire son conseiller, Hervé Le Bouler. 

Cartographie détaillée du sol de la forêt

Devenue en 2022 directrice du patrimoine forestier et immobilier du domaine lors du départ à la retraite du général, Daisy déploie ses talents de négociatrice, forgés à l’ONF quand elle devait convaincre les élus d’investir dans la forêt. Elle réussit à mobiliser ses réseaux pour financer à hauteur de 1,8 million d’euros un programme de recherche, de 2021 à 2023. Objectif : fournir une cartographie très détaillée du sol de la forêt tout en mesurant le potentiel d’adaptation des espèces. « Je vais enfin savoir quels arbres planter, et où, en fonction de la nature des sols et de leur réserve biologique. Chantilly pourra servir d’exemple », se réjouit-elle. 

En parallèle, elle expérimente depuis peu la sylviculture à couvert continu, pratiquée de longue date dans certaines forêts privées. La technique consiste à garder les ronces et arbustes qui maintiennent l’humidité des sols, à miser sur l’émergence spontanée d’espèces qui résisteront au réchauffement et à tester des espèces adaptées à des climats plus chauds. « Faisons confiance aux ressources de la nature et à la recherche scientifique », conclut la pionnière qui a su faire évoluer les mentalités.

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