Vous êtes plutôt diamant de mine ou de laboratoire ? Le prix n’est pas le même. Le résultat, si. Les diamantaires traditionnels le jurent donc : ils ne touchent pas à ces pierres « de synthèse », comme ils tiennent à les appeler, issues de réacteurs à plasma et synonymes de menace pour leurs affaires. Pourtant, certains jouent sur les deux tableaux, en toute discrétion.
C’est le cas de la famille Parikh d’origine indienne, l’une des plus grandes dynasties de négociants en pierres naturelles, qui contrôle le géant du négoce Diarough. Depuis plusieurs années, les Parikh réinvestissent une large part de leurs bénéfices dans des usines à fabriquer des diamants. En novembre 2024, ils ont fait l’acquisition du laboratoire israélien Lusix et s’étaient positionnés – avant de se retirer – pour le rachat du joaillier parisien Courbet, qui a finalement mis la clé sous la porte.
Leur groupe a été fondé en 1960 à Mumbai par les frères Mahendra et Jitu Parikh. Le marché était prospère : c’est en Inde qu’auraient été découvertes les premières mines, il y a 3 000 ans. Jusqu’au XVIIIe siècle, le pays était le seul producteur au monde. Les mines indiennes sont aujourd’hui épuisées, mais l’Antwerp World Diamond Center, très puissant lobby belge qui défend le diamant naturel, estime que 90 % des diamants passent par la ville de Surate, dans l’État du Gujarat, pour être taillés et polis. Les frères Parikh se sont installés en 1975 à Anvers, en Belgique, l’autre épicentre diamantaire, et se sont imposés comme des piliers du secteur.
Fabriquer des centaines de milliers de carats
Aujourd’hui, Diarough est dirigé par deux fils de Mahendra Parikh. Depuis Dubaï, Saurin, dit « Sonu », s’occupe du commerce des diamants bruts. Quand son frère Nishit, dit « Bali », gère les pierres de laboratoire polies à Anvers. Le groupe emploie des milliers de personnes dans une quarantaine de filiales, du Botswana à l’Afrique du Sud en passant par le Canada et la Thaïlande. Signe de leur puissance, les Parikh font l’objet de rumeurs – certaines baroques, dont l’une leur attribue la propriété d’un sous-marin qu’ils utiliseraient pour sortir des pierres précieuses d’Afrique australe.
Les Parikh ont tissé de précieux partenariats avec les groupes miniers comme le conglomérat sud-africain De Beers, dont ils sont l’un des principaux acheteurs. Bali Parikh fut même un temps président de l’Antwerp World Diamond Center. C’est donc discrètement que la famille Parikh a décidé de jouer sur les deux tableaux.
En 2018, elle a créé Fenix, une multinationale dirigée depuis New York par le fils de Sonu, Naman Parikh, qui produit des centaines de milliers de carats chaque année. Mais les Parikh s’emploient à garder les deux activités bien séparées. Car ils savent bien que les diamantaires, comme les marques de joaillerie, considèrent le diamant de laboratoire comme de la pacotille, et tremblent à l’idée qu’il puisse venir se glisser dans leurs stocks.
Pourtant, certains liens capitalistiques laissent planer le doute sur l’étanchéité des deux activités de la famille. Sonu Parikh est ainsi l’actionnaire majoritaire de Fenix, bien que le groupe assure qu’il n’est pas impliqué dans ses affaires quotidiennes. Les deux frères possèdent aussi des sociétés, à Anvers et à Dubaï, spécialisées dans le commerce de pierres de laboratoire. Une flopée de familles diamantaires, en Inde, a pris le même virage, plaçant le pays dans le trio de tête de l’industrie du diamant de laboratoire, avec la Chine et les États-Unis. Ces dernières années, le Premier ministre Narendra Modi a multiplié les mesures de soutien au développement de la filière, en finançant des programmes de recherches ou en abaissant les taxes à l’importation des matières premières nécessaires à la production.