Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout, nageurs en glace inconnue

Écrit par Catherine de Coppet Illustré par Chez Gertrud
5 mars 2025
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Quand des pionniers de la plongée profonde en eaux polaires ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur les écosystèmes marins.
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Depuis 2008, Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout consacrent leur vie à l’exploration sous-marine scientifique. Pionniers de la plongée profonde en eaux polaires, ils ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur les écosystèmes marins.
Article à retrouver dans la revue XXI n° 68, Gauche cherche prophète
4 minutes de lecture

« La première fois que j’ai plongé sous la banquise, j’ai pris l’eau. Le système de purge a gelé, l’eau s’est infiltrée dans ma combinaison étanche. » C’était en 2010, quelque part près du pôle Nord, où l’eau commence à geler en dessous de -1,6 °C. À 30 ans, Emmanuelle Périé-Bardout, navigatrice de formation, est alors la première femme à plonger dans ces eaux glaciales, aux côtés de son mari, Ghislain Bardout, plongeur également. « On s’était tellement préparés que notre mental était à toute épreuve », poursuit-elle. 

Tout est parti de l’envie de combler le manque de données scientifiques sur les milieux sous-marins polaires. « À l’époque, il n’y avait aucun partage d’expérience sur ce type de plongée, c’était le vide », ajoute Ghislain Bardout. En 2008, ces aventuriers créent le programme Under the Pole pour mener des missions d’exploration, en s’appuyant sur l’évolution des moyens de plongée autonome. En particulier le recycleur, une machine qui retraite l’air expiré sous l’eau et permet de plonger plus longtemps, en prenant moins de risques. « Le plus dur se passe alors en surface, avec une température extérieure de –45 °C. Il faut sans cesse dégivrer le matériel, toute manipulation est lente et maladroite à cause des gants, se réchauffer est impossible… Cela demande une journée complète de préparation », pointe Emmanuelle Périé-Bardout.

Quarante-sept jours à ski

Rien ne prédestinait la native de Troyes et le montagnard né près de la frontière suisse à devenir des pionniers. Fascinés dès leur plus jeune âge par les livres et films du commandant Cousteau – « il n’y avait rien d’autre à l’époque » –, l’une s’est entichée de voile, tandis que l’autre s’est découvert une « passion dévorante » pour la plongée. Lors de cette mission inaugurale en 2010 de quarante-sept jours à ski sur la banquise, Ghislain Bardout a réalisé l’exploit de plonger à 112 mètres. « Les records, ça ne nous intéresse pas. En 2007, ma première fois sous la banquise m’a ouvert un monde féerique, fait de montagnes, de fractures, de mille bleus différents… un chaos de glace. J’ai eu conscience d’être témoin d’un monde en train de disparaître avec le réchauffement climatique. On a voulu mettre notre expérience au service de la connaissance. » 

En 2022, le couple découvre, au large de l’archipel norvégien du Svalbard, la première « forêt animale marine ». Ce concept scientifique, en cours de consolidation, a été développé par Lorenzo Bramanti, océanologue au CNRS. Il désigne un ensemble de coraux, situé entre 80 et 200 mètres de profondeur, qui joueraient le même rôle de refuge pour la biodiversité qu’une forêt terrestre. 

Échantillon non valide

Forte de son expérience de plongée en eau profonde, l’équipe d’Under the Pole poursuit actuellement à bord de sa goélette une mission pour caractériser ces forêts en zones non seulement polaire, mais aussi tropicale et tempérée. Objectif : peser sur la définition des règles de conservation marine, peu adaptées à ces écosystèmes. 

« Ces forêts nous montrent notamment que certaines espèces s’adaptent aux profondeurs pour échapper au réchauffement des eaux de surface. C’est comme un sursis qui encourage à se battre pour la protection des milieux marins », pointe Emmanuelle Périé-Bardout, chargée au sein de l’organisation des activités de sensibilisation et du plaidoyer. 

Cette course à la connaissance s’accompagne d’un autre défi : permettre aux femmes d’accéder plus largement à ce type de plongée, en les formant. « Nos missions ont permis d’en savoir plus sur la physionomie de la plongée en eau polaire et en eau profonde, mais pas assez sur les spécificités pour les femmes, puisqu’à moi toute seule je ne constitue pas un échantillon valide scientifiquement ! »

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